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Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 1-12

Layteere Koodal

Janti-jantia ! heɗanam fab mi jantooc!
Naange taatoyiima e dow kammu.
Wajjed naayoyii muti ley feeyo,
feeyo kammu gorgal goɗɗingal.
Nyalla duulee ana duda ley maggo, 5
duda e mbeeyu duko wattaaf hen fey!
Wanaa ndunngu sako gida panya laayta.
Laaba terde, Koodal siirtoyta.

L'éclat de la grande étoile

Récits, récits 1! Prête-moi l'oreille, que j'en dise!
Le soleil a décliné dans le ciel.
L'unique 2 se penche et se perd 3 dans la plaine,
la plaine du ciel de l'occident lointain.
Les nuages, le jour durant y paissent 4;
ils paissent dans l'espace; il n'y a aucun bruit !
Ce n'est point l'hivernage pour que l'orage gronde, éclate et brille.
La grande étoile 5, la blanche de corps, déchire le ciel.

Janti-janti! jaabam fab mi jarwac !
Tuma nyalooma taayoyi ley nimreg 10
pooli jemma njaltii ana piira,
ndiwa na cirka anniih moda biri-birii

Récits, récits! Réponds-moi, que je m'enflamme 6 !
Lorsque le jour a fondu dans les ténèbres,
sortent et s'envolent les oiseaux nocturnes
qui volent et pépient, gobant les termites ailés;

Notes
a. Cette apostrophe énigmatique est une invocation aux forces gardiennes du fonds général de récits dans lequel l'auteur-rapporteur puise celui qu'il va dire. Il a coutume de l'y remettre, après usage, à l'aide d'une autre formule traditionnelle : mi wattii do wonnoo (littéralement « je remets où c'était »). Parfois, il nous indique ses sources ainsi que ce qui, dans sa manière de nous restituer le récit, représente un apport personnel. Par ailleurs, cette apostrophe rituelle exprime, de la part du narrateur, un espoir, une promesse et un souhait; l'espoir que ce qu'il va dire sera pour le bien de ses auditeurs et leur servira à répandre le bonheur autour d'eux; l'engagement à rapporter fidèlement le récit qui lui a été enseigné V ns en altérer l'esprit; et le souhait que ses auditeurs, qui connaissent d'autres récits, les lui content à leur tour.
b. La particule faa a été raccourcie pour les besoins rythmiques du vers.
c. Cette deuxième apostrophe, moins rituelle que la précédente, s'adresse à l'auditeur, en recherche le soutien attentif, la participation.
d. Naange est ainsi qualifié à cause de son unicité.
e. La syntaxe ordinaire donnerait Duule nyalla ana duda…
f. Wadataa, waɗ(a)taa, waɗtaa, wattaa.
g. Forme dialectale pour nibre dont niwre en constitue une autre.
h. Ana nii, an(a) nii, annii.
i. Il y en a qui disent aussi biti-biti.
Notes
1. Formule traditionnelle pour commencer ce genre de récit.
2. Titre que le poète donne au soleil, astre unique par sa taille, sa chaleur, son rôle vis-à-vis de la terre des hommes.
3. On dit que le soleil va tomber chaque soir dans le pays des ombres pour laisser la place aux travailleurs de la nuit : hiboux, sorciers, forces nocturnes; ce sera également le moment des conciliabules et des décisions importantes.
4. Les nuages évoquent naturellement des moutons et l'auteur compare, par cette métaphore, la plaine de la terre et la plaine du ciel, les troupeaux de la terre (moutons) et les troupeaux du ciel (nuages).
5. Il s'agit de Koodal, l'étoile initiatique à 5 têtes qui a donné son titre au récit. On la retrouvera plus loin (cf. vers 108 notamment).
6. Dans la séance où le maître raconte, il a coutume d'avoir un répondant qui approuve et s'exclame au bon moment. Cette formule a donc pour but de faire intervenir l'auditoire. Ici, c'est plutôt une coquetterie littéraire; il en existe un certain nombre dans ce texte où l'on a utilisé à loisir l'habitude d'intercaler, dans un récit, des descriptions lyriques ou didactiques.