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Robert Randau
Le commandant et les Foulbé :
roman de la grande brousse

Paris, Sansot, 1910. 359 p.


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Préface

Ce roman s'efforce d'introduire le lecteur, avec le moins de fatigue possible pour lui, dans les campements de paille où les Foulbé, ces pasteurs énigmatiques de l'Afrique occidentale, perpétuent leur race, à l'écart des groupements nègres bâtisseurs de vlillages ; leur origine mystérieuse, leurs moeurs sont peu connues des ethnographes, leur langue, avec ses innombrables dialectes et ses règles phonétiques compliquées, fait le désespoir des philologues, leur psychologie, profondément différente de celle du noir, les rapproche des peuples berbères. La couleur de leur peau, affectée par d'inévitables métissages, va du blanc tirant sur le rouge, au brun sombre ; la vivacité de leur regard est remarquable, dans des pays où l'autochtone a des yeux d'ordinaire inexpressifs ; leurs membres sont minces et élégants ; les traits de leur visage sont d'une finesse presque féminine.

Dans l'histoire moderne de l'Afrique Occidentale, les Foulbé, meneurs de troupeaux, paraissent, soit persécutés, soit persécuteurs, ici fétichistes, là musulmans, se soucier avant tout de maintenir leur individualité nomade : ils sont les hommes des pâturages et de la savane, et méprisent les gens de la glèbe. Il y a dans la mentalité de ce peuple un élément étrange d'intellectualité ; il est l'inlassable horde qui, depuis des temps immémoriaux, attend son heure.

L'auteur, qui a quelque goût pour les joyaux exotiques, a désiré que ce livre, où Coloniaux français et Bouviers peuhls se témoignent maintes déférences, fût une oeuvre d'art ; il souhaite en effet, car la forme caressée par le regard est toujours agréable à la pensée que le lecteur sympathise avec la brousse-aux-herbes et ses habitants.
Le sauvage n'est nullement la brute à instincts que certains imaginent ; il est l'être d'une autre civilisation, qui a atteint, selon la norme des belles sociétés animales, un maximum d'efforts qu'elle ne tient pas à dépasser parce qu'il lui assure le bonheur. Certes, le barbare, c'est l'homme satisfait de son sort. Ce roman est une contribution à l'étude de la félicité humaine.

R. R.