Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.
Ɗoon luurde waande no ndomma nayewel ɓanngoyii 670
ende uuma weeya e hoore yiɗiraaɓe ɓee taton :
— « Miin kaalɗo mooɗon oo e kala fuu ko seedi-ɗon,
minen ngoni jeenaɓal ndaamaa maale leyɗe
yaamana-juuju, Kaydara sirru kam jey,
goɗɗuɗo sanne kaa ɓalliiɗo Kaydar. 675
Ɓinngel Aada, aan koo haaka wella… »
Taton yiɗiraaɓe mbeltii ɓe ndoccoyaali,
ɓe manngi ɓe tokki laawol fuu adinngol
ɓanngi e maɓɓe ngadi debe balɗe eɓe njaaaa,
debe jammaaji eɓe njaha, kala nde ɗaanii, 680
nde kala fuu ummoyii ana yaha ɓe ɗaanoo.
Gila toowaali naange e peemu hoore,
nyannde debeere muuɗum feeyo ɓanngi
engo, nii waaloyii ley kaaƴe toowɗe.
Toɓo toɓi diƴƴe dewi faa ceeli baamle 685
ɗe nanndi e daabe muutare mawɗe terɗe.
Nde ɓe joli feeyo tan nii kooli ngaɗoyii
dille yimooɓe heewɓe na gooyta daaɗe
— « Jaka poofooji kala fuu dummboyaaɗi
dahaaɗi ndeb yoofɗataa. 690
Maayde na yuɓɓa tagga nyalaaɗe toƴƴa,
dumunna na yoola maayde na moosindoo ɗum.
Henndu wifooru honndinac yiite jaawa.
Notes
a. njaha; yahude a donné yah(u)de, yahde et yaade par assimilation régressive.
b. maayde est sous-entendu.
c. Autre forme pour hoondina (comparer avec les vers 659 & 662).
Alors un nuage ressemblant vaguement au petit vieillard,
planant au-dessus des trois amis, murmura :
« Moi qui vous parle et tout ce que avez remarqué,
nous formons le neuvième symbole et signe du pays
des génies-nains ; et le secret appartient à Kaydara ;
le lointain, le bien proche Kaydara.
Quant à toi, fils d'Adam, va ton chemin… »
Les trois amis, heureux de n'avoir pas été éteints 1,
prirent et suivirent la première route
qui se présente à eux, passèrent quarante jours 2 à marcher,
quarante nuits à marcher 2, marchant quand tout le monde dormait
et dormant quand tout le monde se levait et marchait. 3
Avant que le soleil ne s'élevât au-dessus des têtes,
au quarantième jour apparut une vallée,
une vallée encaissée dans les hautes montagnes.
Les pluies et leurs eaux stagnantes y avaient taillé des pitons
ressemblant par leur forme à des animaux fabuleux 4.
Dès qu'ils foulèrent le sol de la vallée, se firent entendre
des voix chantant en cœur sur tous les tons :
« Ainsi donc tous les êtres sont prisonniers 5
à la merci d'une mort implacable.
La mort qui enfile, déroule, égrène les jours,
l'instant noie cette mort, l'avale.
Le vent qui souffle attise le feu, l'avive.
Notes
1. De n'avoir pas été tués par l'incendie. La vie est symbolisée par une source intérieure toujours chaude, par des facultés toujours en éveil, « toujours allumées ». L'extinction de la source intérieure qui réchauffe tous les organes vitaux coïncide ainsi avec la mort.
2. 40 est un chiffre sacré; chez les Fulɓe, quand un certain bœuf a certaines taches et qu'il vit 21 ans, lorsqu'il meurt, ses funérailles dureront 40 nuits. Il en est de même lorsqu'un homme dépasse les 105 ans. Chez les Bambara, pour l'initiation du Komo, on offre en sacrifice 40 cauris, 40 chevaux, 40 bœufs. Le mot bambara originel pour dire 100 est « deux fois 40 »
3. Voici une notion très initiatique : faire systématiquement le contraire de l'usage, afin de se démarquer du reste du groupe, parce qu'on est à la recherche de l'autre face, de l'envers des choses.
4. Qu'on ne s'étonne pas de les voir chanter, tout comme les animaux, les mares, les arbres. En effet, tous les miracles sont possibles au pays des nains; il est par ailleurs normal que, ayant pénétré dans le monde des « cachés », les voyageurs perçoivent clairement leurs manifestations et leur langage. Enfin, rappelons que, pour un auditoire animiste, les choses ou les animaux peuvent être doués de parole, les contacts entre les espèces étant vécus comme relations naturelles et quotidiennes.
5. Le chant des montagnes est plein de mystère, incompréhensible à tout profane; en effet, il est composé de phrases inachevées qui sont autant de questions-tests posées aux voyageurs.