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Kaidara
Récit Initiatique Peul
Rapporté par Amadou Hampâté Bâ
Edité par Lilyan Kesteloot & Alfâ Ibrâhîm Sow

Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.


       Table des matieres      

Kaydara — Strophes 750-785

wifa ngal honndinaa.
Ɓii Aada, aan koo haaka wella…» 750
Taton yiɗiraaɓe ɓee anniima njaaa.
Jamma e nyalooma ɓe njappa yaade ɓe ɗenƴataa,
paalaaka fay hoto yaadu nduu fay naɓde ɓe,
won tan ko foodtab ɓe semmbe biirniiɗo cattuɗo.
Geldol walaa ana siiɓoyoo ɓe ɓe dawrataa. 755
Hono no ndiyam naatirta kondondol jarɗo ɗum
hono noon ɓe ngayc eɓe naata ley oo semmbe goro
maa duu no henndu e hinere kala poofoowo ɗum.
Ɓe kerataa e yaade sabaabu mbaawaa ŋoottude.
Taton ɗannoyiiɓe njiyoy to yaltirde feeyo ngoo 760
ndaa gorko gooto na teena leɗɗe na fawondira.
Nde mo eti mo huncan fuu mo ronka no teddiri,
donngal mo waawaa huncu jala sanne herkita,
mo sorkoo e ley guutuure teena mafoo wara,
ko mo teeni ɓeyda e waawre nde mo ronki huncude. 765
Demburu wiyani yiɗiraaɓe mum :
— « Miɗo miila annii oo mo anndaa ko haani waɗd. »
Ɗoon gorko leɗɗe jaloy e soobee wirfi wii :
— « Capan tati e ɗiɗi nyiiƴam na kiɓɓii e hundukam.
Capan tati e ɗiɗi duuɓam yo ɗum nii njaarata. 770
Gitam ɗiɗi e gudde noppam yo ɗiɗi mumɗaali fey.
Mido te'a mi ɓeydoya teddugol ngale ndonku-mi
huncoyde donngal ŋeƴƴinoowal noyka kam.
Mi anndii mi anndaa huunde fuu ko ngaɗan-mi koo.
Aan miilɗo aan aɗa anndi haa ko a anndoyaaf 775
min koy wonoy sappo e gooɓerde maale, ndaa
gure leyɗe yaamana-juuju, Kaydara sirru jey,
goɗɗiiɗo sanne ɓadiiɗo oon woni Kaydara.
Ɓinngel Aada, aan koo haaka wella …»
Yiɗiraaɓe men ɓee peƴƴidii feeyo timminii. 780
Eɓe njoondorii funtoyde dow ɓurngog mawnude.
Worraalih noon fey kaa ɓe cooynii toowaangol
koko njamndi toowngol naatoyii f duule faa nyotii.
Fade maɓɓe hewtude kille maɓɓe mugaaɗo fey
Ɓe nani sawtu ana eewnoo to dow annii wiya : 785

Notes
a. njaha).
b. fooɗ(a)ta.
c. nga'i. d. waɗ(u)de, waɗde, wadde; la forme waɗ- est, à cause du rythme, réduite ici à la racine verbale alors que la forme grammaticale correcte est wadde.
e. donngal est sous-entendu.
f. La voyelle finale est allongée dans la chanson.
g. feeyo est sous-entendu.
h. La forme originelle est won(i)raali.

Quant à toi, fils d'Adam, va ton chemin »
Et les trois amis se remirent à marcher.
Ils marchèrent le jour, ils marchèrent la nuit, ils marchèrent,
sans chercher à savoir où la route voulait les conduire.
Ils se trouvaient attirés par une force invisible et puissante.
Sans volonté aucune, ils étaient aspirés, possédés.
Comme l'eau s'introduit dans la gorge qui la boit
ainsi ils s'infiltraient dans cette force virile
comme l'air qui pénètre les narines qui l'inspirent.
Ils marchaient sans arrêt, ils ne s'en lassaient guère.
Les trois voyageurs aperçurent à l'orée de la vallée
un homme unique et seul qui ramassait du bois mort, l'entassait.
Et chaque fois qu'il tentait de porter son faix pesant,
il ne pouvait le soulever, s'esclaffait et se fendait de rires.
Il s'enfonçait dans les bois, ramassait plein les bras
et ajoutait du bois sur ce faix déjà si lourd pour lui.
Dembuuru dit à ses amis :
« Je crois qu'en voilà un qui ne sait ce qu'il doit faire. »
Alors l'homme au bois rit aux éclats et dit :
« Trente-deux dents au complet 1 sont fixées dans ma bouche.
Trente-deux ans aussi ont accompli leur cours.
Mes deux yeux, mes deux oreilles ne sont point bouchés.
je cherche à augmenter le poids d'une charge impossible.
Une charge qui me ploie et qui déjà m'écrase.
Je sais que je ne sais pas tout ce que je fais.
Toi qui crois que toi tu sais, tu dois savoir surtout
que je suis le onzième symbole et signe des contrées
des génies-nains et que le secret appartient à Kaydara;
le lointain, le bien proche, ici est Kaydara.
Quant à toi, fils d'Adam, va ton chemin. »
Nos amis finirent de traverser la vallée.
Ils pensaient déboucher sur une vallée plus vaste.
Il n'en fut point ainsi ; ils aperçurent, surélevée,
une haute enceinte métallique qui rejoignait les nues.
Avant même que leur esprit revînt de cette surprise
Ils entendirent une voix s'écriant dans les airs :

Notes
1. Pour signifier qu'il est un adulte complet, en possession de tous ses moyens ; la vie d'un homme est représentée par une courbe divisée en tranches de sept années et dont le sommet est 63 ans, après quoi la vigueur et les facultés mentales de l'homme décroissent.