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Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 38-68

Laamɗo wertoyi hakkunde saare.
Coolel ɗoo darii ana ƴeewa.
Ndaarle makko ana tuppii e kammu. 40
Ko ruubi yimbe kala koo, ruubaa mo!
Koode siirta tife mbeeyu mo ndaara;
laayte jokka ɗum wa'a hono laaci.
Koode kuyni Coolel faa nannyaaa;
eɗe e kammu hono gite muusuuru, 45
tawa daneeje ana mbii far laaɓi,
ɗe cinki kammu; oo jemma na ŋardi!
jemma jaltinaaɗo e ŋaro genu mum.
Sammburu noddi ɓinngel ana eewnoo
« Wartu Coolel am, aan koo henya wartu!50
Wartu, jemma jenngii, henya wartu!
Wartu koo, ndub uggil ley daƴƴe.
Banikonoojec tawtii kummbereejed
daaɗe njuurti ɗaaniima e tiddo.
Wartu, jemma jenngii, henya wartu!55
— Abba guuri, nguurndam maa juutu!
Ɗal gitam ɗenoo njara ŋari jemma
Laamɗo ɗuumnue gite maa pati ɓuutu.
Abba accoyam, ɗal mi mi ndaara,
gitam kaara baka gonɗo e kammu.60
— Wartu Coolel am, henya wartu!
— Abba guuri, nan sifa jemmaaji;
yo jokkondirɗi, ngaldaa alhaali.
Jemma fuu e sifa muuɗum wondi;
ɗii yo juuɗɗif, niɓɓudi, bona noone; 65
ɗii daneeji, ɗelmuɗi, ana fooyni,
omtoyooji malu keewɗo na wayla.
Ɗal mi ƴeewa nii tiimtoo kammu
déployée par le Roi 1 au milieu du village.
Tiôlel était là, debout, en train d'observer.
Son regard se hissait au ciel.
Ce qui inquiète tout le monde ne l'inquiète pas 2.
Les étoiles rayent les étapes de l'espace qu'il regarde ;
des lueurs les suivent, semblables à des queues.
Les étoiles enchantent Tiôlel au point de le fasciner.
Elles brillent dans le ciel, tels des yeux
de chat d'un éclat pur, étincelant ;
elles ornent l'empyrée; quelle nuit splendide !
une nuit tirée du fourreau de son éternité !
Sambourou appela, héla son enfant bien-aimé :
« Reviens mon Tiôlel ! hâte-toi, reviens !
Reviens, la nuit avance, hâte-toi, reviens !
Reviens, le lion 3 a rugi dans les touffes de vétiver.
Les cigognes se sont jointes aux oiseaux-trompettes
et, ployant leur cou, dorment dans leurs nids hérissés.
Reviens, la nuit avance, hâte-toi, reviens !
— Père qui as tant vécu, que ta vie se prolonge !
Laisse mes yeux boire d'un trait la beauté de la nuit;
Dieu rafraîchisse les tiens, qu'ils ne s'enflent pas.
Laisse-moi, père, laisse que je contemple
et que mes yeux se rassasient de l'azur.
— Reviens mon Tiôlel, dépêche-toi, reviens !
— Père qui as tant vécu, écoute le genre des nuits;
elles se suivent, mais n'ont point même nature.
Chaque nuit, d'un genre propre est dotée;
celles-ci sont longues, sombres, de mauvais augure;
celles-là, blanches et luminescentes, scintillent,
libérant à foison le boŋeur 4 qu'elles dispensent.
Laisse-moi me mirer dans le ciel, l'observer
Notes
a. Forme verbale obtenue à partir de najinaa selon le processus classique apocope-assimilation-gémination, la dernière phase de l'opération n'ayant pu intervenir, toutefois, qu'après la transformation du j radical en ny. Au total najinaa est donc devenu naj(i)naa, najnaa; j devenant ny a pu assimiler n et donner nannyaa, l'assimilation pouvant être, en fulfulde, progressive ou régressive.
b. Ici, rawaandu-ladde est sous-entendu et remplacé par son “classificateur” ndu.
c. Ce mot bamana qui a la même valeur sémantique (sinon rythmique) que le terme baawal du fulfulde est plus couramment emprunté sous la forme raccourcie banikono qui reste invariable et valable aussi bien pour le singulier que pour le pluriel.
d. La prononciation rythmique de ce terme est kumbereeje.
e. On trouve également ɓuumnu issu du radical verbal ɓuub-.
f. Forme verbale obtenue à partir du radical juut-.
Notes
1. Le Roi désigne ici Guéno, le Créateur, l'Éternel. On dit que toutes les places dénudées sont faites par Guéno pour les réunions des esprits et des hommes.
22. En effet, Tiôlel est déjà initié; c'est à lui que l'on va conter ce récit. Il pressent donc que cette nuit sera différente des autres et il transgresse les habitudes pour aller à l'endroit d'où il peut le mieux observer le ciel et les étoiles.
3. Le lion n'est pas explicitement nommé; il n'est désigné que par son classificateur (ndu) et le verbe exprimant son cri (uggi).
44. Toutes les nuits de baataasari sont bénéfiques (les troisjours de pleine luneduinois); ce sont des moments fastes où il est bon de formuler des souhaits; les nuits noires sont réservées à l'action des maléfices.