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Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile
suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 250-273

Sirri jemma hankin, e Koodal mum, 250
ɗum tefan-mi anndude koro muuɗum ».
Kala mbileeɓe, daggada'en boŋobii
tiimi ndonki, ngari mbii Joom-Jeeri
« Min keɓaali felsude koro Koodal,
anndoyaali fii muni fay seeɗa ». 255
Daggadaaɓe tawti sukunyaaɓe
etii ndonki, ngari mbii : « Min mbaawaa,
kokkoyaaka anndude koro Koodal».
Ɓe fuu be kawri Joom-Jeeri yo noddu,
holla Baagumaawel oo golle; 260
gorel feere muuɗum tan wuuri.
Waaldoyaa e fay oo sifa golle;
so wowlii haala muni nanndaa e ngokka;
ko huuwi fuu a tawan ana luuttii aadi;
daɗɗa ndoondi, dow ndii waaloyta; 265
nyaama jaaɓe, ɗum tan woni nguure;
yarda junngo muuɗum, wanyia horde;
loowi baamle, ley mum nyalloyta;
jemma jemma tan wartata ngenndi;
so waril, naata bolongal heɓi, waala; 270
waala junngo muuɗum ana wawlii;
selii aadi, seekil boowaaɗi.
Yimɓe mbii mo hawrii e Batu Ɓokki.
Le secret de cette nuit et de sa grande étoile,
voilà ce dont je cherche à connaître le sens. »
Tous les magiciens, devins et thaumaturges 1
en vain consultèrent leurs tables et vinrent dire à Joom-Jeeri :
« Nous n'avons pu entrouvrir le secret de l'étoile;
nous n'en avons pas eu la moindre connaissance. »
Les devins aux sorciers se joignirent,
en vain tentèrent et vinrent dire : « Nous sommes impuissants;
point ne nous fut donné de connaître le secret de l'étoile. »
Tous tombèrent d'accord pour que Joom-Jeeri appelât
Baagumaawel et lui soumît cette affaire 2.
Ce petit homme vivait tout seul.
Ses manières n'avaient rien de commun avec personne;
quand il parlait, sa parole n'était à nulle autre semblable;
tout ce qu'il faisait, tu le trouvais contraire à la coutume.
Il se faisait un tapis de cendres sur quoi passer la nuit.
Les fruits du jujubier étaient sa seule provende;
il buvait dans sa main, aɓorrait la calebasse.
Dans les grottes des collines, il passait la journée;
c'était à la nuit, à la nuit seulement, qu'il revenait au village 3.
Une fois là, il entrait dans le premier vestibule et y passait la nuit 4.
Il se couchait, avec sa main comme oreiller.
Il s'écartait de la coutume, déchirait les habitudes.
Les gens disaient qu'il avait surpris le Conseil du Baobab.
Note
a. Remarquer cet accompli insolite alors que toutes les formes verbales parallèles sont à l'inaccompli.
Notes
1. Tous ces gens ne sont pas des silatigi, sages initiés.
2. La naissance extraordinaire et le rôle rédempteur de Baagumaawel constituent le sujet du récit initiatique Njeddo Dewal où il incarne les forces du bien en lutte contre celles du mal; c'est cependant un humain, mais silatigi au degré supérieur, en même temps que magicien; il peut se transformer en chapeau, en fusil, aussi bien qu'en arbre; il peut aussi, par sa seule parole, métamorphoser les astres; dans Njeddo, il cachait sa puissance sous l'espièglerie de l'enfance; dans le récit présent, Baagumaawel est déjà vieux et se masque sous des haillons et un comportement excentrique; nous avons vu dans Kaydara que cette attitude est courante : on cache le grand savoir sous une apparence dérisoire afin d'écarter les curieux, les envieux, les superficiels qui ne méritent pas d'acquérir les secrets de la nature.
3. Afin de ne pas être vu : « la nuit est la robe des sorciers comme celle des initiés. »
4. Baagumaawel n'a pas de domicile fixe; les grands initiés ne doivent pas laisser d'héritage.