Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.
mo turti ficci hono nil faa ɓoccitoo; hoore makko dimmboyi faa juuti, 385 Mo yeewi juuti, wii : «Ee Joom-Jeeri, nde njiino-ɗonno hankin ndee mawndea sirri mayre, fay homo oo anndaa; muga mbileeɓe, muumɗina sukunyaaɓe; silatigiiɓe kala mbaawaa firde. 390 Ndee waɗaande Koodal kaananke; sirru mayre, Baataasari saawi; tati nyalaaɗe laaɓde ɗee niɓɓaali, wanaa jemma, sako nawlii jemma. Wuuranii mi, ee maa Joom-Jeeri, 395 ko gitam njiyata joon koo ana mawni. Ɗe yeewroyan-mi, terɗam jeyoyaa ɗum. Ko njii-mi koo, mi waawaa jantaade, tawa na laaɓi faa ɓuri rimo haabu! Hunnduko waddataa faa toni omtoo 400 sifoo hawra ɗum kaa abada wattaa. Mi yi'li yiite jaangina faa jaɗɗa, malmalluuje ana cuma faa rocca, nimre ɓurnde pooyal yaynoyde e pooye ɓurɗe niɓe gore niɓɓoyde! 405 Kala ko kaal-mi koo ana ley toggere, taggondirnde cate ɓutte e kebbe, sukki niɓɓi fay sukundu e hoore, |
Il redressa la tête et l'agita à se l'arracher; longtemps il branla de la tête, longtemps resta en contemplation, et dit : « O Joom-Jeeri, celle que vous avez vue cette nuit est une étoile considérable; son mystère, il n'est personne qui le connaisse : il stupéfie les magiciens, rend muets les sorciers; aucun des silatigi ne pourra l'interpréter. Cette étoile est la grande étoile du roi; son secret est celé dans le Baataasari, ces trois jours clairs qui point ne sont obscurs la nuit, encore moins le jour, co-épouse de la nuit. Puisses-tu rester vivant pour moi, toi, ô Joom-Jeeri! Ce qu'à cette heure voient mes yeux est considérable; ce grâce à quoi je contemple n'appartient pas à mon corps 1; et ce que je vois, je ne le puis décrire, bien que ce soit plus blanc que fruit de cotonnier; la bouche ne l'amène pas aux lèvres au point qu'elles s'entrouvrent; une exacte description jamais n'en sera faite : j'ai vu un feu qui glace à rendre raide et une grêle qui brûle à réduire en cendres, une obscurité plus brillante qu'intense clarté et des lueurs plus obscures que ténèbres mâles 2. Tout ce qu'ici j'évoque se trouve en un bosquet, un bosquet où s'enroulent grosses branches et épineux, touffu, obscur, plus que chevelure sur la tête ; |
Notes a. Hoodere, auquel se rapporte ce passage, est sous-entendu. |
Notes 1. Allusion à la connaissance supra-normale; il ne s'agit point de révélation extérieure (comme celles qui sont faites par les anges ou par des esprits dans le christianisme ou l'islam) mais du pouvoir exceptionnel du silatigi dont le « double » est particulièrement puissant. Cette conception du « double », les Peuls la partagent avec tous les animistes de l'Afrique : c'est le mbeelu, double de l'âme (yonki) qui voyage à son gré hors du corps spécialement pendant le sommeil de celui-ci, et peut agir très loin et à l'insu parfois de la personne qui dort; c'est pourquoi on ne doitjamais réveiller brusquement un dormeur; en doit d'abord faire une incantation servant d'écran, afin que l'âme ne « se précipite pas dans le fleuve du sang ». C'est sur le « double » encore que vont agir les sorciers, car il est plus vulnérable hors de sa carapace. La mort n'épuise pas l'âme ni le double qui peut revenir et se manifester dans certains animaux comme le hibou; après la mort d'un homme, son mbeelu sort de sa tombe normalement au quarantième jour que l'on célèbre par des cérémonies propitiatoires; après quoi, sauf exception, il s'éloigne des vivants. 2. Ces images paradoxales montrent que le double de Baagumaawel a plongé jusqu'à l'endroit où les règles de la nature s'anéantissent dans le monde des « cohabitants parallèles ». |