Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.
nde pelemlemrea, fay hudo hesoyaaka. Walaa naaɗɗo ley ndee, nde suumtaaka.410 Yo damal mayre daroyii soppooɓe, sette lawɓe sappo sappo nde noogay muuyɓe soppa liɓa kahe gore mawɗe, limɗe limti Bammbara keme muum nay njowni sappo tati dow hen fawoyaa.415 Anniyiiɓe faa seha laanaaji ɗin yo sappo ɗiɗiba ana pawtii hen ɗi deertoyooji dow ndaa maa maaje, maaje ɗee yo sappo e ɗiɗi mawɗe. Hoko ɗi naɓata ɗii kala laanaaji? 420 Nayon laamɓe, ka ɓe fuu ɓe aayiiɓe. Lim ko hiisoyaa toƴƴaa paamaa. |
de ce bosquet vierge, l'herbe jamais ne fut fauchée; nul n'y a pénétré, il est resté inviolé. sa porte se sont arrêtés les exorciseurs 1 — une théorie de bûcherons, par groupes de dix, et cela vingt fois — qui veulent couper et abattre les grands caïlcédrats mâles qui, comptés et recomptés, font quatre fois le cent des Bambaras 2 et auxquels s'ajoutent treize caïlcédrats. Pour ceux qui ont dessein d'y tailler des pirogues 3 celles-ci seront dix auxquelles s'ajoutent deux; vois, elles vogueront sur les fleuves 4, ce sont douze immenses fleuves. Que transportent donc toutes ces pirogues? Quatre rois, tous mendiants 5. Compte ce qui a été énuméré, additionne et tu comprendras. |
Notes a. Ko wi'etee pelemlemre, ho mbomri ndi suumtaaka, maa toggere nde naataaka abada. b. L'élision rythmique du e séparant les dizaines et les unités tant au vers 415 qu'à ce vers entraîne un léger allongement du -o final de sappo au moment de la lecture du vers; ce qui donne sappoo tati (vers 415) et sappoo ɗiɗi (vers 417). Par contre, le rétablissement du e de sappo e ɗiɗi au vers 419 supprime cette obligation. |
Notes 1. Ici commence la mystérieuse prédiction de Baagumaawel qui ne sera pas entièrement compréhensible pour Joom-Jeeri, ni entièrement explicitée par l'auteur; car il y a des choses qui ne peuvent être dites ni écrites en dehors de l'initiation dont ce récit n'est qu'une petite partie; toutes les philosophies et religions ésotériques ont en commun ces réserves. 2. Mot à mot, le « Keme des Bambaras », qui équivaut à 80 (cf. Kaydara, op. cit. note b, p. 114). Donc (80 x 4) + 13 = 333 3. Les Laoɓe, bûcherons, sont d'origine mandé, mais foulaphones; ils sont réputés grands magiciens ayant pouvoir d'exorciser les arbres; ils confectionnent les pirogues, chaque outil possédant sa formule propre; si vous les surprenez dans leurs rites, ils se transforment en hyènes et vous dévorent… 4. Les pirogues, dans la pensée symbolique fulɓe, sont naturellement moyen de transport, par analogie avec le voyage intellectuel et mystique de l'initié; et les fleuves sont symboles de l'initiation elle-même qui mène le néophyte jusqu'à la connaissance et la sagesse; le fleuve mène à la mer, réservoir de la connaissance. 5. Il s'agit de grands initiés. Il faut mentionner ici une tradition bambara qui semble être à l'origine de ce symbole : au moment du Ramadan, lorsque les mulsulmans le fêtent, les Bambaras animistes sortent le masque bossu du Yogora Mansa, « le roi en haillons »; ils le promènent en chantant : « nous sommes partis dans un certain village, l'hyène s'est précipitée sur nous, elle dit qu'elle va voler un morceau de la bosse, nous disons qu'elle n'en coupera rien. Yogoro Mansa, tourne ta bosse royale pour bien la montrer, toi dont le dos est comme une colline, toi dont la main est comme le henné, prince qui a pour tout habit un cache-sexe. » Chaque passant doit alors donner l'aumône au roi sous peine, s'il s'abstient, de châtiments maléfiques. On dit que le Yogoro est originaire de Ségou où le rite est passé dans le folklore sous forme de jeu d'enfants. Quoi qu'il en soit, il est dans la logique fulɓe que la suprême connaissance S'affuble d'apparences dérisoires pour écarter les profanes. C'est par ailleurs une étape universellement représentée dans toute démarche initiatique et spirituelle: le dépouillement de soi est une des conditions de l'accession de l'âme à la vie spirituelle, où l'homme doit se faire réceptacle vide pour mieux accueillir la manifestation divine et acquérir la connaissance. |