Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.
ɗe siiri tuttanoo ley muni heewi. 480 Mo wii ɓe : « Ɗowto-ɗee, on jaalaaɓe, bonɓe wonki, ɗowtee sabu semmbe, semmbe gaɗɗo kala haayre na yoori. Njamndi tekki, tekkiɗi faa tiiɗi. Yiite wulnoyaa, diƴƴe na selbi; 485 henndu hokkoyaa ɓure faa heewi; neɗɗo hokkoyaa kam hakkille, toowi mawni, laamii ndee wiindere. Sigiro rimata giilol e jiiɓaare. Ɗoydi ɗoofa yakawere ley terɗe. 490 Mlilo yoorna gite haɗa ɗum ɗoyngol. Maayde weddoyoo kala ley kumpa. Ngenu yo yonki jey ɗum, ana laaɓi. Ngonee baaɗi gojjuɗi nguru, ngontee baaɗi ɗeppi dote ɗiɗi boortiiɗe, 495 ɗeppi hoore, pankari, nguru ɓawli. Ngonee lelli, ngontee ndaki ladde ɗi diidi jilli ana dogo dow terɗe ». Daggadaaɓe ɗoon ngontoy ɗum kala. Nde ɗum waɗoyi so yii ɗum Joom-Jeeri, 500 ɓe tuuginoo e mum ngontii baaɗi, yoga waɗaama poolal sukunyaaɓe, bamɗi ladde naatoyi ley togge, mo eewnii Baagumaawel mi mo wii ɗum: « Innde maaɗa ndee nii famɗin maa; 505 kam e darnde maa ndee ana yawnii; siinde maaɗa sogoyii anndal maa. Maamiraawo am, kam nyiɓi Jeeri. Nanaa Baagumaawel ko mo hemri |
qui reçurent maints jets de salive chargés [de magie] 1 Il leur dit : « Obéissez, vous, les vaincus, âmes perverses, obéissez, par l'effet de la force 2, de la force qui donne à toute pierre sa dureté ! Le métal, de plus en plus épais, durcit enfin ; le feu devint brûlant, les eaux se liquéfièrent, l'air fut doté de qualités multiples et l'homme doué d'intelligence ; il fut élevé, grandit, devint roi de cet univers; l'ivresse engendre vertige et divagation ; le sommeil extirpe du corps la vigilance, le souci sèche les yeux et leur interdit le sommeil, la mort projette tout dans l'inconnu ; l'éternité appartient à l'âme, c'est manifeste. Soyez des singes à la peau rouge, devenez des singes aux deux fesses aplaties et pelées, à tête plate, hideux et noirs de peau ; devenez antilopes, devenez ânes de brousse au corps sillonné d'un réseau de rayures ! » Les devins aussitôt se muèrent en autant de ces bêtes. Quand cela se fit et que Joom-Jeeri constata que ceux sur qui il comptait s'étaient mués en singes, que d'autres étaient devenus oiseaux-des-sorciers ou ânes de brousse s'enfonçant sous les bois, il interpella Baagumaawel en ces termes : « Ce n'est que par ton nom que tu es petit, et seulement pour ta taille que l'on te sous-estime, mais ta valeur double ton savoir. C'est mon grandpère qui fonda le Jeeri 3. Entends, Baaguma, comment il put |
Notes 1. Les sorciers fulɓe font des amulettes à base de plantes, d'écorces enveloppées dans des sachets de couleurs et n'usent pas d'écrits coraniques qui, d'importation arabe, tic sont pas familiers aux thaumaturges animistes. 2. Baagumaawel évoque les onze forces créatrices — déjà vues dans Kaydara — dont chacune a la propriété de transformer, d'absorber, de « manger » la précédente, et qui toutes sont constitutives de la nature et de l'homme. C'est une évocation à but magique (car il s'agit, au nom de ces forces, de transformer les magiciens en animaux), mais c'est aussi un procédé didactique qui rappelle à l'initié des connaissances essentielles. 3. Le grand-père de Joom-Jeeri est Hammadi, principal héros du récit initiatique Kaydara; il est le roi mythique aussi puissant que sage, qui est censé avoir fondé le royaume — tout aussi mythique — du Jeeri (jeeri signifie brousse, par opposition à « waalo » qui désigne les terres inondées, les vallées bordant les fleuves). ??? |