Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.
kammu maamiraaɓe e hono mum'en; kammu rewɓe maayɓe e konu rewɓe; ɓee ɓe diiƴaango wari ɗum won kammu; kammu bonɓe wonki e sattarɓe ». Naanni Baagumaawel Joom-Jeeri, 935 sawru laamu ɓami watti e junngo junngo nyaamo, wii : « Hettina faamu: nyaamo tinndiniroyaa dartaade; ta nyaannua yimɓe, pati bon pati tikku; yaaru heese, wati wil kala hesoyee; 940 haala maaɗa, wati ɗal pene naata; kala penoowo, battane mum bonoyan; baawɗo toonyje, haanaa taƴa fewre ». Nil nde Baagumaawel wil tildii, nano mo nanngi Joom-Jeeri mo waɗi hen 945 kaddungal maayraaɗo mo wii: « Tam! » Tami e junngo muuɗum faa teeŋi. « Nde nyaamo huynu maa, miilaa nano maa; a duumataako, timmintaa duniyaa; tinna mlilu ɗum, pati njeggitoyaa ». 950 Ndeen mi Baagumaawel ɓami Nyaawal, hunci nyaamo, soornoyi ley naawki, naawki nyaami Joom-Jeeri mo muɓɓi, mo walli ŋabbi faa timmini jeeɗɗi; mo hewti karka ngonka e bemmbeere, 955 karka laamu tafiraaka e kaŋŋe, nyenyaa waati faa waɗanaa bukki. |
le ciel des ancêtres et de tous leurs semblables, le ciel des femmes mortes dans la guerre des femmes 1 ; ceux qui furent foudroyés ont aussi leur ciel ; il y a le ciel des méchantes âmes et des obstinés. » 2 Baagumaawel fit rentrer Joom-Jeeri 3. Il prit le sceptre royal, le plaça dans sa main droite et lui dit : « Ecoute et comprends la main droite symbolise la droiture ; ne sois ni dur pour les gens, ni méchant, ni coléreux. Marche avec douceur; n'ordonne pas de tout faucher. Dans tes propos, ne laisse entrer nul mensonge ; la fin de tout menteur est d'être corrompu. Qui a pouvoir de commettre des abus, ne doit pas mentir. » Quand ainsi parla et termina Baagumaawel, il prit la main gauche de Joom-Jeeri et y plaça le vêtement funèbre en disant : « Prends-le ». Joom-Jeeri le prit, l'empoigna bien fort. « Si ta main droite t'exalte, songe à ta gauche ! Tu n'es pas éternel; tu ne tariras pas le temps. Tâche d'y penser et jamais ne l'oublie. » Baagumaawel, alors, s'empara du Coutumier 4 souleva le bras droit de Joom-Jeeri, le glissa sous l'aisselle et le fit retenir par le bras replié. Il aida Joom-Jeeri à gravir les sept marches jusqu'au niveau du trône disposé sur l'estrade. Le siège royal était en or forgé, ciselé jusqu'au fond en forme de rosaces. |
Notes a. Forme verbale issue du radical nyaaɗ-. |
Notes 1. La « guerre des femmes » désigne les couches. 2. Le séjour des morts est conçu comme un village avec des quartiers, dont certains sont hantés ou maléfiques. Il est situé dans l'invisible; tous les jours, on pose sur le plateau la part du repas qui revient aux morts; ceux-ci, la nuit, viennent en prendre la quintessence. Le lendemain on donne aux enfants le reste, qui est béni. 3. Baagumaawel ne répond pas à la question posée par Joom-Jeeri, mais il agit; « l'action vaut mieux que la parole »; en initiation, beaucoup de questions sont laissées en suspens; on en donnera la réponse tout à coup à un autre moment, ou même, dans une causerie étrangère au sujet. 4. C'est le code des lois de la chefferie, du commandement; en réalité, dans les communautés fulɓe, les lois ne sont pas écrites; c'est donc ici une influence islamique soit dans le récit du conteur, soit dans les faits eux-mêmes : on aurait gravé ces lois sur des planchettes, des peaux ou une gourde. Nyaawal désigne les jugements, les rescrits de la coutume (verbe nyaawude: juger, trancher); par extension, les lettrés ont appelé tous les livres nyaawal. |