webPulaaku


Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile
suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 931-957

kammu maamiraaɓe e hono mum'en;
kammu rewɓe maayɓe e konu rewɓe;
ɓee ɓe diiƴaango wari ɗum won kammu;
kammu bonɓe wonki e sattarɓe ».
Naanni Baagumaawel Joom-Jeeri, 935
sawru laamu ɓami watti e junngo
junngo nyaamo, wii : « Hettina faamu:
nyaamo tinndiniroyaa dartaade;
ta nyaannua yimɓe, pati bon pati tikku;
yaaru heese, wati wil kala hesoyee; 940
haala maaɗa, wati ɗal pene naata;
kala penoowo, battane mum bonoyan;
baawɗo toonyje, haanaa taƴa fewre ».
Nil nde Baagumaawel wil tildii,
nano mo nanngi Joom-Jeeri mo waɗi hen 945
kaddungal maayraaɗo mo wii: « Tam! »
Tami e junngo muuɗum faa teeŋi.
« Nde nyaamo huynu maa, miilaa nano maa;
a duumataako, timmintaa duniyaa;
tinna mlilu ɗum, pati njeggitoyaa ». 950
Ndeen mi Baagumaawel ɓami Nyaawal,
hunci nyaamo, soornoyi ley naawki,
naawki nyaami Joom-Jeeri mo muɓɓi,
mo walli ŋabbi faa timmini jeeɗɗi;
mo hewti karka ngonka e bemmbeere, 955
karka laamu tafiraaka e kaŋŋe,
nyenyaa waati faa waɗanaa bukki.
le ciel des ancêtres et de tous leurs semblables,
le ciel des femmes mortes dans la guerre des femmes 1 ;
ceux qui furent foudroyés ont aussi leur ciel ;
il y a le ciel des méchantes âmes et des obstinés. » 2
Baagumaawel fit rentrer Joom-Jeeri 3.
Il prit le sceptre royal, le plaça dans sa main
droite et lui dit : « Ecoute et comprends
la main droite symbolise la droiture ;
ne sois ni dur pour les gens, ni méchant, ni coléreux.
Marche avec douceur; n'ordonne pas de tout faucher.
Dans tes propos, ne laisse entrer nul mensonge ;
la fin de tout menteur est d'être corrompu.
Qui a pouvoir de commettre des abus, ne doit pas mentir. »
Quand ainsi parla et termina Baagumaawel,
il prit la main gauche de Joom-Jeeri et y plaça
le vêtement funèbre en disant : « Prends-le ».
Joom-Jeeri le prit, l'empoigna bien fort.
« Si ta main droite t'exalte, songe à ta gauche !
Tu n'es pas éternel; tu ne tariras pas le temps.
Tâche d'y penser et jamais ne l'oublie. »
Baagumaawel, alors, s'empara du Coutumier 4
souleva le bras droit de Joom-Jeeri, le glissa
sous l'aisselle et le fit retenir par le bras replié.
Il aida Joom-Jeeri à gravir les sept marches
jusqu'au niveau du trône disposé sur l'estrade.
Le siège royal était en or forgé,
ciselé jusqu'au fond en forme de rosaces.
Notes
a. Forme verbale issue du radical nyaaɗ-.
Notes
1. La « guerre des femmes » désigne les couches.
2. Le séjour des morts est conçu comme un village avec des quartiers, dont certains sont hantés ou maléfiques. Il est situé dans l'invisible; tous les jours, on pose sur le plateau la part du repas qui revient aux morts; ceux-ci, la nuit, viennent en prendre la quintessence. Le lendemain on donne aux enfants le reste, qui est béni.
3. Baagumaawel ne répond pas à la question posée par Joom-Jeeri, mais il agit; « l'action vaut mieux que la parole »; en initiation, beaucoup de questions sont laissées en suspens; on en donnera la réponse tout à coup à un autre moment, ou même, dans une causerie étrangère au sujet.
4. C'est le code des lois de la chefferie, du commandement; en réalité, dans les communautés fulɓe, les lois ne sont pas écrites; c'est donc ici une influence islamique soit dans le récit du conteur, soit dans les faits eux-mêmes : on aurait gravé ces lois sur des planchettes, des peaux ou une gourde. Nyaawal désigne les jugements, les rescrits de la coutume (verbe nyaawude: juger, trancher); par extension, les lettrés ont appelé tous les livres nyaawal.