Oumar Bâ a vu le jour à Diabalydouɓe, chez son oncle maternel, Tapsirou Boggel Hamath Madiyyou Ly chef de village, le 9 mars 1917. De par sa lignée paternelle, il descend d'Arɗo Ngiril Ali Sidi, de Mbolo Ali Sidi, l'un des grands électeurs du Fouta républicain (1776-1881). Fils cadet de Thierno Mamoudou Sada Ba originaire de Dabbe, cadi des Yirlaɓe et de Ama Maddiyou Ly. Oumar Bâ a donc vu le jour, dans un univers religieux traditionnel et islamique, dans la claire conscience d'appartenir aux grands aigles du pays Foutanke et de savants respectés.
Dans cette ambiance, Oumar Bâ fera de bonnes études coraniques avant d'être envoyé à l'école du village de Salde, en 1926. Major de sa promotion en 1928, le voilà boursier de l'administration coloniale à Podor pour 3 ans. Envoyé à l'Ecole des fils de chefs de Saint-Louis, cette ancienne école des otages, fondée par le Général Faidherbe en 1857.
Diplômé de cette école, Oumar Bâ se présente au concours d'entrée à la ferme-école de Louga en 1934. Il est admis premier du Sénégal et y sort avec le grade de moniteur d'agriculture. Il s'engage comme moniteur d'école et le restera pendant près de treize (13) ans. Il servira dans presque toutes les régions du Sénégal : Saint-Louis, Tambacounda, Diouloulou, Thiès etc.
Il servira à Kaolack en qualité d'agent des PTT. Mais comme s'il s'était trompé de voie, Oumar Bâ démissionne des PTT, et retourne à l'enseignement. Il obtient à titre exceptionnel, le certificat d'aptitude pédagogique, ce qui lui confère le grade d'instituteur. De 1934 à 1945, il sera directeur de l'école de Ouakam (Dakar). Et c'est là qu'Oumar Bâ aura le privilège de diriger la toute première école avec cantine scolaire du Sénégal. Mais l'enseignement seul est incapable d'absorber son énergie.
Il ira faire du journalisme de 1948 à 1951, embauché comme chroniqueur au journal Paris-Dakar qui deviendra à l'indépendance du Sénégal en 1960, le quotidien national Le Soleil.
En 1952 Oumar Bâ entend de plus en plus l'appel du désert. Il se présente au concours des interprètes. Admis, il sera envoyé en Haute-Mauritanie :
En Basse-Mauritanie :
Il croise des interprètes comme lui, Horma Ould Babana, fondateur de l'entente Mauritanienne et Me Moktar Ould Daddah, futur président de la Mauritanie. Mais sa destinée sera autre. Déjà, au congrès d'Aleg de 1958, il aura des démêlés avec le clan des partisans du pouvoir colonial favorable à la communauté avec la France. Ce qui lui vaut d'être révoqué de l'administration coloniale. Paradoxalement, ceci n'enlèvera en rien son amour pour la France, même si l'un de ces fils s'appelle Sékou Touré Bâ. Il a toujours aimé la liberté, l'égalité et la fraternité dans l'ambiance d'une francophonie respectueuse des apports spécifiques de son espace, comme il le dit dans son livre Faut-il grader la langue française ?
Deux ans plus tard, l'administration coloniale le reprend et l'envoie au service de l'information du gouvernement général de l'AOF à Dakar. Il s'inscrira, en 1956 à l'Université ouvrière de Lomé (Togo) et y obtient un diplôme qui lui permettra de suivre un stage en sciences sociales au ministère de la France d'Outre- Mer.
Dans le contexte de la Loi-cadre de 1956, Oumar Bâ entre à l'Ecole nationale de la France d'Outre-Mer, il y obtient un brevet en sciences sociales et s'inscrit à l'institut des sciences politiques de Paris. Saint-Louis ayant cessé d'être en 1958 la capitale du Sénégal et de la Mauritanie, il est rappelé dans ce dernier pays, le sien, pour y être nommé préfet à Tidjikja. Au lendemain de l'indépendance de la Mauritanie, il est nommé simultanément premier directeur de la fonction publique et de la radio diffusion nationale.
Il ne quitte ces foncions que pour être nommé délégué permanent de la Mauritanie à l'UNESCO et conseiller à l'ambassade de Mauritanie à Paris (1963-1965). A la fin des années 1965, Oumar Bâ est rappelé de Paris, pour diriger l'IFAN-Mauritanie. Et en 1966 cumulativement à ces fonctions de directeur de l'IFAN, il dirige le comité Mauritanien de préparation du premier Festival mondial des arts nègres (1966). C'est pendant ce festival qu'Oumar Bâ se lie d'amitié avec Aimé Césaire, Léon Gontrant Damas et Léopold Sédar Senghor. A la fin du festival L.S. Senghor le prend à l'IFAN Dakar comme directeur de recherche de 1967-1975.
Durant cette période Oumar Bâ donne le meilleur de lui-même. Plus d'une cinquantaine d'articles parus dans la revue intitulée Bulletin de l'IFAN. C'est aussi pendant ce long et fructueux passage à l'IFAN Dakar que Oumar Bâ présente une thèse de doctorat d'université à la Sorbonne en 1972 intitulé Les Peuls du Fouta-Toro.
Oumar Bâ rentre définitivement en Mauritanie en 1976. De 1976 à 1980, il occupe le poste de conseiller à l'Institut Mauritanien de Recherches scientifiques (IMRS). De 1980 au jeudi 12 février 1998, il occupera la fonction de conseiller à l'Institut des Langues nationales. Oumar Bâ le francophile, termine avec une agrégation d'arabe en 1994. Après avoir passé 4 ans en Arabie Saoudite à l'Université King Saoud de Riyad et 2 ans chez les Pères missionnaires catholiques de Tunis, Oumar Bâ représentera, sa vie durant, toutes les facettes de cultures en contact. Il incarnera la Fulanité, l'Africanité et la Francophonie.
Daouda Abdoul Kader Diop
Cridem
Le 13 août 2016 restera une date gravée dans les mémoires dans le petit village de Dabbe, situé à moins d'un demi kilomètre de M'Bagne. Les populations de cette localité ont célébré en pompe le 99ème anniversaire de la naissance de la naissance du Pr Oumar Bâ.
Evènement auquel ont pris part quelques grands de ce pays : N'Diaye Saydou Amadou, poète, Guelongal Bâ, chercheur, Diallo Abou, Rouguiyatou Boubacar Bâ (journalistes à Sahel TV) à côté de Bâ Yero Sidi député de M'Bagne, de Baila Dia, maire de la commune de Niabina, de madame Bâ née Ramatoulaye Niang, épouse de Bâ Bocar, et la présence remarquable du docteur Hampaté Oumar Bâ, directeur général adjoint du Centre National de Recherche en Santé Publique.
La cour de l'école du village était remplie de monde venu se rappeler de l'illustre fils de Dabbe.
Après la lecture du Saint Coran par le jeune Thierno Abou Sy, c'est le chef du village de Dabbe, Ousmane Demba Bâ qui a souhaité la bienvenue à tous les invités. Suivi de l'allocution de Ismail Guissé adjoint au maire de M'Bagne et natif de la localité lui-même.
Le public a eu droit à magnifique défilé organisé par les jeunes de l'Association pour le Développement de Dabbe (ADD). Localité où poussent de belles bâtisses en dur. Un défilé où les valeurs de la société traditionnelle ont été exposées et vantées en présence de l'historien poète N'Diaye Saydou Amadou qui a décortiqué au public tous les aspects culturels exhibés devant l'assistance. L'art culinaire de la société traditionnel peul a attiré particulièrement l'attention du public ainsi que l'artisanat local.
L'autre temps fort de ce grand évènement auquel n'a pris part aucun officiel de l'Etat (ni préfet, ni gouverneur, ni ministre), c'est l'exposé sur la vie et l'œuvre du Pr Oumar Bâ lu par N'Diaye Saydou Amadou.
Le Pr Oumar Bâ était un ami du premier président Sénégalais, Léopold Sédar Senghor, de l'ancien président du conseil des ministres du Sénégal, Mamadou Dia et d'autres chefs d'Etats comme l'ancien président Sékou Touré. Il était ami intime à l'écrivain Amadou Hampaté Bâ. Et ses deux fils portent l'un le nom de Sékou Touré et l'autre Amadou Hampaté.
Moniteur d'agriculture formé en 1934 à Louga, il s'engagera comme instituteur puis agent des PTT, journaliste au sein de Paris Dakar qui deviendra Le Soleil après les indépendances. Interprète en haute Mauritanie : Nouakchott, Atar, Tidjikja, Aioun El Atrouss, Timbedra, Nema, M'bout et en basse Mauritanie : Rosso, Boghé, Aleg et Kaédi avant l'indépendance.
Il croise des interprètes comme lui, notamment Horma Ould Babana, fondateur de l'Entente Mauritanienne et Me Moktar Ould Daddah, futur président de la Mauritanie. Mais sa destinée sera autre. Déjà, au congrès d'Aleg de 1958, il aura des démêles avec le clan des partisans du pouvoir colonial favorable à la communauté avec la France.
Directeur de la Fonction Publique en Mauritanie puis chercheur plus tard à l'IFAN, délégué général de la Mauritanie à l'UNESCO, il a travaillé à l'Institut des langues nationales et il est l'auteur de plusieurs ouvrages. Les jeunes de l'ADD ont planté dans l'après-midi du samedi 13 août des arbres le long de l'artère principal du village.
Gomu Munyal, la troupe artistique et culturelle dirigée par Issa Diop a présenté une pièce théâtrale devant le public et chanté un chœur en hommage à Oumar Bâ en plus de plusieurs ballets artistiques.
La troupe a joué pleinement sa partition dans le succès de ces journées dédiée au Pr Oumar Bâ. Par ailleurs, Guelongal Bâ, chercheur et communicateur hors pair a galvanisé le public avec une communication portant sur le savoir et fustigeant la division et la propagation d'un faux message de l'islam par des fondamentalistes de nos jours. A chacune de ses sorties, c'est une salve d'applaudissements qui le salue.
Des chœurs ponctués des poèmes en hommage à Pr Oumar Bâ lu successivement Français par Oumar Cissé, en arabe par Mamoudou Ibra Bâ et en Pular limpide par une petite jeune fille répondant au nom de Fati Oumar Kébé. La troupe de l'ADD a également fait une belle prestation portant sur un hommage à feu Oumar Bâ. La chanteuse Fatou N'Dour a galvanisé le public avec ses chansons.
La troupe Gomu Munyal a profité le jour de la cérémonie de clôture pour remettre des distinctions à certaines personnes. Amadou Hampaté, fils du Pr Oumar Bâ a prononcé un mot de remerciement à l'endroit de l'association des jeunes de Dabbe, le public ainsi que tous les invités et la diaspora qui ont contribué à la réussite de cette première édition d'hommage organisé par l'ADD.
Auparavant c'est Gomu Munyal qui organisait l'évènement à Nouakchott. Une question reste posée à tous les Mauritaniens, à la diaspora de Dabbe, aux Africains, et la communauté de ce monde, par l'artiste N'Diaye Saydou Amadou : Que Faire pour perpétuer l'œuvre de cette illustre personnage ? Construire une bibliothèque, une maison d'édition ?
Journal Le Terroir 13 août 2016