Université de Dakar. Institut Fondamental d'Afrique Noire
Collection Initiations et Etudes Africaines. N°XXV. Dakar. 1969. 250 p.
Voilà bientôt une décennie qu'au beffroi de l'histoire des hommes retentissait un carillon puissant et prolongé : l'Afrique, serve de toujours, brisait enfin son joug et ressaisissait d'une certaine manière ses destinées politiques. Certes, cette libération s'opéra davantage en ordre dispersé, chaque nouvelle nation semblant n'avoir rien de plus urgent si ce n'est de pérenniser les frontières artificielles et le système économique hérités de la colonisation, transformant alors progressivement d'immenses espérances collectives en amères déceptions...
Mais l'essentiel est néanmoins sauf, car le pouvoir politique est retrouvé; et si étroitement jugulé soit-il par des impératifs occultes, ce pouvoir ouvre cependant la voie à une rupture indispensable d'avec l'aliénation culturelle, pour la récupération de quelques éléments de l'authenticité africaine. En tout état de cause, ce retour à l'authentique constitue un combat obscur mais quotidien fort heureusement mené dans quelques rares nouvelles nations d'Afrique, dont la visée fondamentale, qu'il convient de saluer avec respect, n'est rien de moins que la redécouverte de leur être passé, de leurs civilisations communes, bref d'elles-mêmes. Quel instrument privilégié et quelle arme redoutable serait dans ce combat la recherche sociologique, d'autant qu'elle compte dans ses rangs un nombre toujours accru d'Africains !
Mais, hélas ! ces nations africaines d'avant-garde sont rarissimes, et la recherche sociologique menée par des Africains authentiques, en dépit de son irréversible nécessité, recèle plus d'une ombre à son tableau, ombres tenant probablement à la nature même des choses.
En effet, tout d'abord, lorsque le chercheur et son problème font un tout, inextricablement lié, ce que le premier peut dire du second est sujet à caution. Car, le chercheur n'est peut-être pas suffisamment dépouillé de la subjectivité naturelle, et les jugements qu'il porte sont à peu près sûrement tributaires des idées éparses que tout homme reçoit de la société où il est né et où s'est forgée sa personnalité. Et, semble-t-il, rien n'est autant * nocif que ce savoir plus apparent que réel, que chacun croit naturellement posséder sur sa civilisation ancestrale. Car c'est la porte ouverte aux jugements de valeur, fussent-ils anodins, d'autant plus facilement et inconsciemment émis que leur auteur subit l'écartèlement déchirant entre civilisation ancestrale globale et valeurs reçues à l'occasion de la formation universitaire européenne. C'est dès lors, assurément, que s'installe cette propension très nette à comparer constamment la première aux secondes, à mesurer celles-là à l'aune de celle-ci, par exemple insérer subrepticement voire nostalgiquement des valeurs occidentales, là où l'authentique altérité africaine est seule en question, et devrait par conséquent être, en tant que telle, scrupuleusement respectée. A moins de récuser radicalement cette altérité africaine dans le quotidien, tout en l'exaltant à l'infini dans les mots...
La subjectivité, voilà sans doute l'ennemie à pourchasser sans relâche. Mais la recherche sociologique conduite par le chercheur africain peut, à l'inverse, comporter cet avantage considérable, qui est de mettre immédiatement le sujet de l'expérience de plain-pied avec la réalité sociale qui constitue l'objet de son investigation. La quête du sociologue africain dans son milieu n'achoppe certainement pas à l'écueil monumental de la langue, du moins le cas serait plutôt rare. Par conséquent, l'investigateur africain reçoit pour ainsi dire la totalité du sens véhiculé par l'information recueillie dans sa langue naturelle. Faute de quoi, si la communication de l'informateur à l'informé devait malgré tout comporter son résidu d'incompris ou d'informulé, alors il est probable que ledit résidu apparaîtra bien moins considérable quand les interlocuteurs parlent la même langue, et que leur dialogue n'a besoin du truchement d'aucune traduction, cette porosité de l'erreur.
Et il importe au premier chef que le dialogue informateur-informé se passe hors de tout dépaysement pour celui-ci, et de toute réticence anesthésiante pour celui-là. L'informateur est en confiance, car le comportement général de l'enquêteur (observé secrètement), comme les questions posées, sont parvenus à convaincre l'entourage qu'il avait affaire à une personne encore intégrée pour l'essentiel à sa société naturelle, en dépit de sa formation européenne qui n'aura pas fatalement dénaturé en lui l'Africain originel.
Alors, le dialogue informateur-informé devient fécond, et se mue en monologue du premier, qui se fait obligation de ne plus rien celer de son savoir à son « compatriote » chercheur. Ce que l'informateur répugnait à dire aux étrangers parfois même volontairement induits en erreur , il consent maintenant à le révéler, en souhaitant qu'il n'en soit pas fait trop mauvais usage pour le renom de la commune ethnie d'appartenance.
Sans doute, il ne faut jamais s'illusionner sur le contenu véritable de ces « révélations », qui savent toujours jusqu'où il ne faut pas aller trop loin, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement de véritables secrets de Polichinelle, dénués par conséquent d'intérêt. Mais l'essentiel c'est cette atmosphère de franche collaboration, et l'ouverture certaine de l'informateur. Le reste, qui dépend strictement du chercheur, viendra de surcroît, pourvu qu'il soit armé de la patience et de l'indiscrétion nécessaires. En tout cas, le chercheur est condamné à une longue patience. Car pour accéder à un certain savoir, nulle source ne lui est ouverte si ce n'est la tradition orale. Tradition orale qu'il convient d'examiner avec sévérité sans jamais l'accepter pour argent comptant, car sa transmission de génération en génération équivaut à déformation continuée. C'est ainsi qu'elle sera par exemple embellie soigneusement par la vanité naturelle de ceux qu'elle concerne, dont la complicité tacite et inconsciente voudra laisser à l'histoire une image améliorée du groupe.
Difficulté d'adéquation à l'objectivité scientifique requise, mais cependant une certaine facilité d'ajustement ou réajustement à la société : en vérité, la recherche en sociologie africaine par les Africains est plutôt assimilable à une lame à double tranchant.
Mais, par-delà un tel dilemme au bout du compte susceptible de résolution, il convient aussi de prêter attention à deux catégories de faits, expérimentés par l'auteur de ces lignes dans l'exercice de sa fonction de sociologue sénégalais.
Le premier de ces faits c'est la méfiance suscitée par le chercheur, qui prend contact initial avec le terrain. Il est sûr que la population visitée n'hésite guère bien longtemps à assimiler le chercheur à l'agent camouflé de l'Administration, ayant reçu mission de contrôler discrètement les prix ou de détecter les fraudes fiscales, voire d'examiner la situation politique, ou sonder l'état d'esprit des masses.
Quant aux tenants locaux du pouvoir central, ils se méprendront aussi entièrement que leurs administrés. Ils imaginent tout de go avoir affaire à un inspecteur de l'administration, du seul fait que le passage du chercheur ne leur aura pas été préalablement signifié par la capitale. Alors, voilà des victimes faciles et très prolixes sur leur repentir. Il faut déployer toutes les ressources du langage pour dissiper l'erreur, mais il n'empêche que la « victime » complètement rassurée garde une rancune tenace au chercheur, pour avoir été la cause et le spectateur combien involontaires d'une effroyable terreur.
A moins que le représentant local du pouvoir tout est problème de tempérament individuel maîtrisant son imagination, mais très imbu de ses prérogatives, et décidé à les exercer concrètement, ne décrète souverainement l'interdiction de son territoire au chercheur. Celui-ci a le choix entre l'attente d'instructions dont il n'est pas sûr qu'elles aient été effectivement demandées au chef-lieu et le départ vers une autre destination, tout en souhaitant d'y trouver des autorités moins sourcilleuses dans l'application de la loi.
Ici deuxième fait majeur c'est véritablement la grande misère de la recherche sociologique par le chercheur africain qui est en question. En effet, le sentiment général des autorités est que la recherche fondamentale est simple alibi pour fainéants, sinon fonction purement alimentaire, voire paravent providentiel pour contempteurs et saboteurs de cette sacro-sainte « construction nationale ». L'effectif encore dérisoire des chercheurs africains relativement à la masse très considérable des problèmes de tous ordres qui sont à étudier, atteste non point l'absence des vocations, mais davantage le peu de cas que l'on fait à l'échelon le plus élevé de cette activité scientifique, réputée par certains superfétatoire, et, par d'autres, assimilée à un luxe dévolu aux riches, donc incompatible avec la pauvreté des nouvelles nations, qui doivent d'abord vivre correctement avant de songer à philosopher...
Certes, voilà un grave malentendu! Car, si le développement des nouvelles nations doit se réaliser, il faudra bien qu'un jour ou l'autre la culture soit rétablie dans tous ses droits, qu'au nombre des voies et moyens de cette culture, la recherche scientifique fondamentale reçoive son insertion, et ne soit plus cet appendice honteux qu'elle est encore demeurée dans bien des cas !
En matière de sciences humaines, par exemple, il est urgent de cerner les tenants et les aboutissants des sociétés africaines, d'appréhender leurs résistances et leurs motivations, de sonder les dimensions de leur perméabilité à l'indispensable transformation moderniste.
Très précisément, la recherche scientifique vise, entre autres objectifs, à la saisie des réalités sociales mouvantes, afin de fournir l'efficience désirable aux actions de développement exercées sur ces réalités.
Pourtant, en dépit des ombres que voilà brièvement esquissées, l'optimisme et l'assurance doivent l'emporter sur le découragement inhibiteur.
Tout d'abord, il faut proclamer avec force que nul n'est autant ajusté à la recherche en Afrique que l'Africain lui-même, qui a un sens pour ainsi dire instinctif en tout cas plus aigu des problèmes de son continent, parce qu'il les vit de l'intérieur. Et par-dessus tout, l'Africain ne doit-il pas revendiquer la responsabilité culturelle, pour faire pendant à cette souveraineté internationale désormais acquise ? N'est-il pas pour le moins paradoxal que l'Afrique, représentée dans toutes les instances politiques et économiques internationales, soit pratiquement absente des assises où a culture est en question, laissant aux autres le soin d'occuper sa place, et pour parler d'elle encore !
Il est certain que l'assistance culturelle fournie aux Africains ne saurait, sauf démission coupable des assistés, se poursuivre indéfiniment. Peut-être, le soliloque du maître européen devrait-il enfin être relayé par un dialogue à plusieurs voix, où l'ancien élève africain devenu grand apportera sûrement sa contribution singulière.
En tout cas, voilà une contribution nécessaire et urgente, où l'Africain est concerné au premier chef, car c'est le développement des sciences en Afrique qui est en question, ce développement des sciences qui conditionne étroitement le développement économique, politique et social du continent.
Pour le disciple que nous sommes encore, c'est maintenant le lieu de nous acquitter du devoir, ô combien agréable, d'exprimer notre gratitude à nos maîtres, MM. Jean Stoetzel et Georges Balandier, professeurs à la Sorbonne, pour l'appui tutélaire qu'ils ont donné à notre carrière de chercheur. M. le professeur Jean Stoetzel, dont nous avons suivi l'enseignement en Sorbonne, a parrainé de manière décisive notre entrée au Centre national de la recherche scientifique, aux autorités duquel nous rendons un très déférent hommage pour leur accueil.
Quant à M. le professeur Balandier, notre directeur de recherche, nul n'était mieux désigné que lui pour assumer cette fonction. Car, c'est par la médiation de ses écrits que nous prîmes conscience de la passionnante complexité de notre pays, et qu'alors, peut-être, notre vocation de chercheur se dessina.
Nos remerciements iront également à M. le professeur Louis-Vincent Thomas, de la Faculté des lettres de Dakar, pour avoir secondé M. le professeur Stoetzel dans la fonction de parrain et de conseiller averti; à MM. les professeurs Théodore Monod, Abdoulaye Ly, Vincent Monteil, directeurs de l'Institut français d'Afrique noire ; ils nous ont très largement ouvert les portes de leur établissement, et offert, sans réserve, l'usage des grands moyens dont dispose la maison I.F.A.N. Le personnel tout entier de cet I.F.A.N., chercheurs, cadres administratifs et agents techniques ont droit à une part immense de notre gratitude, pour l'intégration immédiate du chercheur solitaire à leur grande et vieille famille.
Enfin, nos remerciements s'adresseront à nombre de personnalités parisiennes ou sénégalaises : nous pensons à Mme le docteur Faladé, à M. le docteur Gessain, à MM. les professeurs Lejeune et Eric de Dampierre ; nous songeons également à MM. les directeurs Tidiane Aw, Ben Mady Cissé, Amadou Moktar Sakho. Toutes ces personnalités, dont nous nous honorons de l'amitié, ont apporté, chacune à sa manière propre et selon les moyens de sa charge, une contribution effective à notre travail, qui bénéficia, par ailleurs, de la collaboration déterminante d'une foule considérable d'informateurs et guides toucouleur.
Que les derniers nommés veuillent bien ne pas nous tenir rigueur de les omettre dans ce palmarès, parce que plusieurs dizaines de pages seraient insuffisantes pour les mentionner tous. Et pourquoi mentionner encore ces amis innombrables que nous comptons de Jalmac à Njot, dans le jeeri et le waalo, comme sur le rewo et le worgo, puisqu'ils sont déjà présents dans les lignes mêmes du texte ci-dessous, dont à vrai dire ils ont été les premiers compositeurs.
C'est sur les conseils de notre directeur de troisième cycle, M. le professeur Jean Stoetzel (Sorbonne), que le présent travail s'ouvrit par un préalable documentaire, consistant à faire le point des connaissances écrites relatives à l'ethnie toucouleur que nous avions dessein d'étudier. Il convenait par conséquent, avant tout, de procéder à l'établissement d'une bibliographie exhaustive des Toucouleur, afin de mesurer ce qui restait à faire, et vers quels domaines précis orienter la recherche, pour éviter de tomber dans les sentiers battus.
Plusieurs mois durant, à Dakar et Saint-Louis-du-Sénégal notamment, il fut procédé au dépouillement des archives de la colonisation, revues et journaux anciens, microfilms récents de documents rares, voire manuscrits inédits. Dans le même temps s'opérait la compilation de monographies et d'ouvrages relatifs à l'Afrique de l'Ouest, et plus particulièrement aux quatre territoires du Sénégal, de la Mauritanie, de la Guinée et de l'ex-Soudan français (Mali).
Le résultat de cette investigation publié en son temps, et figurant in fine revu et augmenté s'avéra révélateur. S'il y avait véritable inflation bibliographique sur les Toucouleur, en revanche, cette pléthore ne fermait pas la porte à la recherche : non seulement il subsistait des domaines inexplorés, mais encore les questions abordées répondaient plus souvent à des impératifs immédiats actuellement dépassés, et non aux préoccupations de la recherche fondamentale. Celle-ci pouvait donc faire son office, et contribuer encore largement à la connaissance du Fouta Tooro, et de sa population toucouleur majoritaire.
Le sujet de la recherche une fois arrêté, c'est alors la phase active du travail qui intervenait, à savoir essentiellement l'information et l'observation. Et pour ce faire, rien n'était plus urgent que d'aller sur le terrain, sinon pour une période de plusieurs mois consécutifs, au moins pour des missions brèves effectuées à intervalles rapprochés.
Il n'était évidemment pas question de mobiliser la classique expédition sociologique, avec le personnel que suppose semblable entreprise. Car il aurait été nécessaire pour cela de disposer de crédits importants, en l'absence desquels il fallut plus modestement aller d'un informateur au suivant, tous informateurs également sélectionnés sur le tas, c'est-à-dire dans le village même, lequel était choisi au hasard, parmi les localités directement accessibles par les moyens habituels du transport moderne ou traditionnel.
Nos renseignements, recueillis au cours de plusieurs déplacements, procèdent donc d'interviews opérées carnet de notes en main ou magnétophone en marche, à l'exclusion, naturellement, de tout sondage sur échantillon, ou de toute autre forme d'enquête.
Toutefois, outre l'aire géographique traditionnelle des Toucouleur (Fouta Tooro), il s'avérait indispensable d'explorer au moins sommairement les îlots toucouleur des villes sénégalaises, notamment l'agglomération dakaroise, Thiès, MBour, Diourbel, Kaolack, Saint-Louis, voire Ziguinchor, etc.
Au demeurant, cette démarche comparative nous fut instamment recommandée par M. le professeur Balandier, qui dirigeait également nos recherches.
Il est certain qu'en milieu urbain, il y a chance de déceler de profondes mutations quant au particularisme toucouleur, mutations dues à l'exode rural et, partant, au contact de valeurs différentes, européennes et wolof, qui sont parmi les plus saillantes.
Par-là même, le milieu urbain offrait la possibilité concrète de cerner une certaine dynamique sociale toucouleur, de tester pour ainsi dire le degré d'acculturation, en servant de contre-épreuve vivante relativement aux modèles traditionnels prescrits, alors que ceux-ci semblaient être demeurés inchangés, ou fort peu modifiés parmi l'élément toucouleur non urbanisé.
A l'exclusion de certains noms, dont l'orthographe semble pour ainsi dire universellement fixée, tels Fouta, Toucouleur, Sénégal, etc., qui ne subissent donc nul changement, si ce n'est dans leur pluriel simplifié, les mots pulaar figurant dans le texte ci-dessous ont été transcrits selon les principes de l'International African Institute 1.
En règle générale, toutes les lettres constitutives d'un mot doivent être articulées, tel qu'il est d'usage en latin ou en espagnol.
Le son e est toujours ouvert, soit é comme voyelle finale, ou è entre consonnes, soit enfin voyelle longue ê, auquel cas la réduplication ee sera de préférence utilisée. Cette même réduplication supprimera les à, î, ô, û, qui deviendront aa, ii, oo, uu, cette dernière voyelle u ayant, d'autre part, valeur de ou, comme dans « bouche ».
Quant aux lettres b, d, g, j, elles figurent des consonnes dures, alors que B, D, G, J, simples ou redoublées seront, sauf indication contraire, des consonnes claquantes. Toutefois, étant donné que ces lettres capitales sont souvent les initiales de patronymes, anthroponymes et toponymes, où elles restent majuscules aussi bien dures que claquantes (par exemple Baa dure et Baas claquante), il fallait peut-être trouver un moyen pour marquer la variation phonétique d'une graphie constante. Nous avons d'abord pensé recourir à la lettre elle-même, mise entre parenthèses, et précédant immédiatement le nom dont elle est l'initiale claquante. Ainsi, (B) Baas aurait par exemple marqué l'initiale claquante, alors que Baa dépourvu de ce repère conventionnel aurait été le signe d'identification de l'initiale majuscule dure. Mais, le texte risquait d'être considérablement surchargé, ce qui aurait probablement nui à la clarté souhaitable, et compliqué inutilement la lecture.
L'emploi du signe (') marque d'attaque glottale, ne nous a pas davantage paru nécessaire, à la fois parce que ladite attaque fréquente en peul est rare en pulaar, et parce qu'elle était tout aussi bien rendue par la consonne claquante D : par exemple, l'on a transcrit mawniraaDo (aînée) et non mawniraa'o.
La lettre C-c figure le t mouillé, et se substitue donc au thi de Thiais ou Thiam. F-f remplace le ph de « phare » et « alpha ». H-h sera fortement aspiré, comme dans « haute », ou dans hoot (rentre à la maison !). + aura la consonance anglaise de « joker » ou « enjoyment », et sera par conséquent substitué au dj de Djenné, ou au di de Dia. Quant au J, nous avons déjà vu qu'il s'agissait d'une claquante, comme dans HorkaJere (village du Fouta-Damga), et non Orkadiéré, comme indiqué dans les manuels. K-k sera l'équivalent de c, comme Coran, et -q-, comme qacida ou qitab.
M-m et N-n marqueront la nasalisation des consonnes, dont elles seront suivies sans apostrophes, contrairement à l'usage établi dans la transcription de certains patronymes. Ainsi, M'Baye sera dépouillé en Mbay, M'Boumba simplifié en Mbumba, Njaay substitué à N'Diaye, et Nium à N'Dioum. En particulier, ny prendra le relais du gn de M'Bagne et Thilogne, qui deviendront respectivement Mbaany et Cilony.
Le S-s sera mis pour ç, comme dans « ça va », ou substitué au C de Civol, qui sera orthographié Siwol ; le cas échéant, sh prendra la place du ch de « chaud ».
Enfin, W-w systématiquement utilisé de préférence au v sera, par ailleurs, employé dans tous les cas où l'on aura affaire au son ou moyen, et qu'en conséquence ni la lettre u (« ou » bref), ni sa réduplication uu (« ou » long) ne paraîtront très nettement indiquées.
Note
1. Pour le détail de ce système de transcription, il convient de se reporter au Practical orthography of African languages, revised edition, London, Oxford University Press, 1930, 24 p.