webPulaaku


Amadou Hampâté Bâ
Élégie pour la mort de Tierno Bôkar Sâlif composée en 1940

Journal des africanistes, 63 (2) 1993 : 61-80.


      Introduction/Hunorde      
12. Laamiiɓe faa asi maaje maayii timmoyii
maayii leliima no lelniraa ɓii-Saalihu!
12. Des Souverains capables de creuser des fleuves sont morts et c'en est fini d'eux,
ils sont morts et gisants tout comme au tombeau git le fils de Sâlif !
13. Wuurnooɓe faa buri duuɓi dure kala maayoyii.
yeew ɓowde mawɗe e perre soli saami maayoyii !
13. Des hommes qui avaient vécu plus d'ans même que ceux des vautours, tous, la mort fut leur destin !
Vois les grands baobabs sur les terres dures : ils sont tombés, déracinés, la mort fut leur destin !
14. Faa haako wayloo birgi furɗoya maayoyiio
ndiyara cewle nhonyoyoo kaaƴe ɗum woni maayoyii!
14. Même le feuillage devient fumier, il prend couleur de cendres, la mort est son destin
L'eau des sources ronge les pierres : c'est bien que la mort est leur destin
De même le souffle du vent étanche les eaux : c'est bien que la mort est leur destin !
15. Noon henndu wifa yara diƴƴe ɗum woni maayoyii
marɗo e maraaɗo mo meeɗoyaa marde maayoyan
15. Le maître comme l'esclave à qui être maître est
à jamais dénié, [tous deux] à la mort sont voués !
16. Kala maayoyan (ter)
faa maayde maayoyap maandinee
jaka maayde waranaa gooto Bookari Saalihu!
16. Tout à la mort est voué (ter) !
Jusqu'à la mort elle-même qui, à la mort, soit vouée ! Est-il meilleure preuve que l'avènement de la mort n'est pas pour le seul Bôkar Sâlif !
17. Ɓerndam d ndee jergii wonki am kii jebbilii
yarraade noon e yaafaade Bookari Saalihu!
17. Sous le choc mon cœur s'émut, mais mon âme se résigna
à accepter le destin et donner l'absoute à Bôkar Sâlif !
18. Wallaahi! Maayde wardaali yoppude gooto fuu
wanaa maayde woni fooleede Bookari Saalihu !
18. Par Dieu ! La mort, à son heure venue, n'épargne personne
et l'on ne peut en cette mort voir défaite personnelle de Bôkar Sâlif !
19. Ɓurnaaɗo kammu e leydi ɓurtii tannyoral
iroyaama nduu sako Ceerno Bookari Saalihu!
19. Celui qui, sur la terre comme au ciel, fut Privilégié a été sans pareil, c'est une certitude !
Si même lui dut être enseveli, comment en serait-il autrement de Tierno Bôkar Sâlif !
20.Yela yimɓe waawaa wardeq me, ɓe muuyi maayoya
yamiroore Laamɗo e baalɗe keeyaaɗe maaynata.
Ajal Allaah yottii Ceerno Bookari Saalihur !
20. Le souhait des hommes ne peut tuer celui dont ils désirent la mort :
ce sont décret divin et jours inscrits dans le destin qui décident de la mort C'est le terme fixé par Dieu qui a atteint Tierno Bôkar Sâlif !
21. E wonɓe majje ndullini Allaa faa ndewi kappoyii
Al-Hajj Umaru ɓe mbi'i warii ɓii-Saalihuls !
21. Il en est qui, égarés par l'erreur, ont ignoré Dieu jusqu'à s'enferrer dans la calomnie,
accusant Al-Hadj Oumar d'avoir tué le fils de Sâlif !
22. Haaloyɓe kaa njummbi peni kappi mammumt
Wallaahi! Umaru waraali Bookari Saalihu !
22. Ceux qui se répandent en de tels propos accusent faussement et calomnient son aïeul 1
Par Dieu ! Oumar n'a pas tué Bôkar Sâlif !
23. Go'o, maayɗo warataa guurɗo, Allaahu kam haɗii
ɗiɗi, Sheeku jaɓataa warde Bookari Saalihuuu !
23. Primo, un mort ne saurait tuer un vivant, Dieu, certes, a empêché cela !
Secundo, un Cheikh n'accepterait pas de tuer Bôkar Sâlif !
24. Tamaroore Taalɓe e taaniraaɓe mov maagewal!
Ko yaanni walaa ley jikku Bookari Saalihu!
24. Datte des Tâl, pour la postérité il est une couronne !
Il n'y eut rien d'ignominieux dans la conduite de Bôkar Sâlif !
25. Hono Umaru wardata ɓiɗɗow guurtinɗo dawla mum
darnoyɗo diina e Bannya, Bookari Saalihu ?!
25. Comment Oumar tuerait-il un fils qui a ravivé sa gloire
et érigé la loi religieuse dans Bandiagara, Bôkar Sâlif !
Notes
o. A. maayoyan.
p. A. maayora.
q. B. wadde.
r. A. Ajal Allaah ngal yotiii e Bookari Saalihu ;
ajal : Ar. “terme fixé, échéance; mort”.
s. Ce vers est omis dans la version B.
t. A. Haaloyɓe ɗum njumtnbii penii kappi mamma mum.
u. B. ɗiɗi, Sheeku fay so ana waawi warataa Bookari
v. A. yo./
w. A. neɗɗo.
Note
1. Bôkar Tall, grand-père paternel de Bôkar Sâlif était le frère aîné de Al-Hadj Oumar. Celui-ci, grand-oncle de Bôkar Sâlif est donc son aïeul (grand-père classificatoire) selon la terminologie pular/fulfulde de la parenté.
2. B. « Secundo, un Cheikh, si puissant fût-il, ne saurait tuer Bôkar ! »
      Introduction/Hunorde