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Amadou Hampâté Bâ
Élégie pour la mort de Tierno Bôkar Sâlif composée en 1940

Journal des africanistes, 63 (2) 1993 : 61-80.


      Introduction/Hunorde      
26. Wonko Ceerno wii kam nyannde gom miɗo seedoyii
mo yaafiima kala fun neɗɗo toonyox mo fantinii.
26. Il est une chose que me dit un jour Tierno, j'en puis témoigner : c'est qu'il
avait pardonné à toute personne coupable à son endroit des pires injustices
27. Mo mo yaafataako yo biiɗo omo wanyi Sheeku men
Alfaa Umar Al-Hajji, oon kay be kardoyan
Mi happaali ɗo fey Ceerno Bookar Saalihu!
27. mais s'il en était un qui n'aurait pas son pardon, c'était
celui qui l'accuserait d'inimitié envers son Cheikh,
Alfâ Oumar Al-Hadj. Avec celui-là, certes, il irait devant les tribunaux !
Je n'ai rien ici imputé faussement à Tierno Bôkar Sâlif !
28. Aadama e Hawwa cuumtii adunaaru nduu e fun
maayii leliima no leldoriiy ɓii-Saalihu !
28. Adam et Ève ont été les tout premiers en ce monde comme en toute chose
ils sont morts et gisants tout comme au tombeau gît le fils de Sâlif !
29. Nuhun e Muusa Annabaaɓe jamaanu mum
maayii leliima no leldoriiy ɓii-Saalihu!
29. Noé et Moïse, Prophètes en leur temps,
sont morts et gisants tout comme au tombeau gît le fils de Sâlif !
30. Mahunooɓe hiramaz to Misira toowniri laamu mum
maayii leliima no leldoriiy ɓii-Saalihu!
30. Les bâtisseurs des Pyramides d'Égypte en ont bien rehaussé leur règne
mais ils sont morts et gisants tout comme au tombeau gît le fils de Sâlif !
31. Kala maayoyan (ter)
faa maayde maayoya p maandinee
jaka maayde waranaa gooto Bookari Saalihu!
31. Tout à la mort est voué (ter) !
Jusqu'à la mort elle-même qui, à la mort, soit vouée ! Est-il meilleure
preuve que l'avènement de la mort n'est pas pour le seul Bôkar Sâlif !
32. Faa mi limtanoya on golle maayde e ngeenndi men
nde wardaali yoppudeaa gooto Bookari Saalihu!
32. Et je m'en vais vous énumérer les œuvres de la mort en notre cité,
elle par qui, son heure venue, nul n'est épargné, [fût-ce] Bôkar Sâlif
33. Tijjaani kam nyiɓi Bannya, maayde warii warii
Tapsiiru kam e Muniiru, maayde warii warii!
33. Tidjâni 1, lui qui fonda Bandiagara : la mort est venue et a fait son œuvre.
Tapsîr ainsi que Mounir : la mort est venue et a fait son oeuvre !
34. Laamiido juulɓe suɓaado, maayde warii warii
Agiibu ɓamtii dawla, maayde warii warii !
34. Le Commandeur des Croyants 2, l'élu : la mort est venue et a fait son oeuvre.
Aguîbou 3 a rehaussé sa gloire : la mort est venue et a fait son œuvre.
35. Alfaa nde loomtii ɓooyi, maayde warii warii!
Tijjaani ɓii-Agiibu, maayde warii warii!
35. Alfâ lui succéda au pouvoir pour de longues années : la mort est venue et a fait son oeuvre.
Tidjâni, le fils d'Aguîbou 3 : la mort est venue et a fait son oeuvre.
36. Muktaari maayan janngo, maayde waran waran
Seekoyɗo yimre na anndi maayde waran waran.
36. Mouktâr 4 mourra demain : la mort viendra et fera son œuvre.
L'auteur de ce poème sait bien que la mort viendra et fera son oeuvre
37. Waroyoore wardaa seese seekan sankoya
hela kaƴƴe faa noƴaab gelle galle ɗalaa hela
heloyoore kala fuac nawti Bookari Saalihu!
37. La Tueuse ne vient pas avec douceur : elle déchirera, s'en ira disperser et détruire des villages, réduire en poussière des cités ! Qu'une demeure soit épargnée : elle la détruit
C'est la Destructrice de toutes choses qui a emporté Bôkar Sâlif
38. Koli-Moodi, Koniba mo Boore ɗiɗon kala maayoyii
Muusa-Mawɗo laamii maa Jenne, maayde warii e mum!
38. Koli-Moodi, Koniba de Boore, tous deux, la mort fut leur destin.
Moussa-l'Ancien a régné sur Djenné et la mort est venue à lui.
39. Sammbalaana woni baroyoowoad, maayde warii e mum
Bala-Mawɗo kam e Sam-Pullo Nyootigi maayoyii!
39. Sambalâna fut un bourreau et la mort est venue à lui !
Bala-l'Ancien tout comme Sam-Pullo Nyootigi, la mort fut leur destin.
40. Boo-Saago, baaba Sule-Boo, kanyum duu maayoyii!
Noon Dawda Ngirowal duu hisaali moae maayoyii!
40. Bô-Sâgo, le père de Soulé-Bô, lui aussi, la mort fut son destin.
Et pas davantage Dawuda Ngirowal n'en a été préservé : la mort fut son destin.
Notes
x. Mis pour toonyɗo.
y. A. leliraa.
z. Ar. hiram, pl. de haram « Pyramide ».
aa. A. woppude.
ab. A. hela caƴƴe sankoya
ac. A. heloyoore fu nii
ad. A. kirsoowo.
ae. B. nde.
Notes
1. Tidjâni Aguibou Tall, neveu d'Al-Hadj Oumar fonda le royaume de Bandiagara en 1864. (Cf. A. Hampâté Bâ, op. cit. : pp. 27-28). Mounir : fils d'Al-Hadj Oumar et cousin de Tidjâni.
2. Le « Commandeur des Croyants » désigne ici Amadou Shekou, fils d'Al-Hadj Oumar à qui Mounîr remit le pouvoir en 1890, mais qui dut quitter Bandiagara lorsque le pouvoir français y imposa Aguibou Tall comme « roi » (Cf. A. Hampâté Bâ, ibidem : 28-29), en 1893.
3. Aguibou : fils d'Al-Hadj Oumar, qui fut nommé roi de Bandiagara en 1893 par le pouvoir colonial.
4. Mouktâr Aguibou Tall fut nommé chef du Canton de Bandiagara par l'Administration française, après la mort de Tidjâni Aguîbou Tall, survenue en 1938 (Cf. A. Hampâté Bâ, op. cit. : 108 sq.). Il fut à la source des persécutions qui assombrirent les dernières années de Tierno Bôkar Sâlif.
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