Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.
Minen ngoni jeettaɓere ndaa maale leyɗe 510
yaamana-juuju, Kaydara sirru kam jey,
goɗɗuɗo sanne kaa ɓalliiɗo Kaydar.
Ɓinngel Aada, aan koo haaka wella… »
No haawnii yolbitiri ɗannilɓe palti;
ɓe coobii e yaadu kaa be anndaa to paati, 515
waajibi tan yehee eɓe yappa yaade.
Ɓe yaada e beeli tuma ɗin yappi yaade.
Yo ndeen nii Demburu kaa heddii na nyuunya,
— « Wii kam Mannaa, eehee baddo! moƴƴu!
Moƴƴan ɓee ɗiɗon saaraaɓe maaɗa. 520
Jeenay lebbi aɗa soomii e rannga
yummaa saawu maa hono maayɗo, hasnaa.
No tiiɗiri abba maa duu golliroynoo.
Teɓtine juuɗe makko mo wuurniroy maa
Capan tati lebbi tati ɗiin tenŋniroyaa 525
capan tati tawti giye nooro-caggal.
Yoo abbam ee neenam yoo mi annda,
mi anndana oon fa semmbe tagoowo ɗowa kam!
Minen entaa waɗoy miin muuyna anndal!
Sikke walaa yo miin paatoyɓe Kaydar, 530
goɗɗuɗo sanne kaa ɓallilɗo Kaydar. »
Ɓooyaa fun ko Demburu tilli e yimde
Notes
a. Won wiyooɓe Bookari Safo; Manna est une corruption du mot soninké maŋa qui est un titre de chefferie et qui, en fulfulde/pular, a donné d'abord mannga, c'est-à-dire chef ou grand chef. L'emprunt se serait fait à l'époque où les tribus fulɓe Lemtuma se sont installées dans la région de Wagadu occupée par les Soninké vers 670. Mannga est devenu ensuite le titre du « roi qui supervise », le roi qui arbitre parmi les autres chefs. Il y a un petit poème que chantent les enfants à la louange de mannga :
Mannga ndoori foo (nde ɗiɗi)
nyaawal Jenne ndoori foo!
Alla jey sago (nde ɗiɗi)
nyaawal Jenne jey sago!
Nyaabi ɗi Jenne jowtu maa mannga ndoori foo!
Rewɓe to ɓulli jowtu maa mannga ndoori foo!
Salut à toi Manga (bis),
grand incrusté* de Djenné, salut !
Le bon vouloir est à Dieu (bis).
Il est aussi au grand incrusté de Djenné !
Les oiseaux tachetés de Djenné te saluent !
Les femmes qui puisent l'eau te saluent !
* grand incrusté de richesse et de vertu.
Nous sommes le huitième symbole du pays,
pays des génies-nains; et à Kaydara seul le secret appartient ;
le lointain, le bien proche Kaydara.
Quant à toi, fils d'Adam, va ton chemin… »
Par merveille les voyageurs n'avaient plus faim.
Ils se remirent en route sans savoir où diriger leurs pas.
Il leur fallait marcher, ils se mirent à marcher.
Ils marchaient avec les ombres, les ombres qui marchaient 1.
Alors Demburu tout seul se mit à chantonner :
« Manna 2 m'a dit : ô enfant sois bon !
Sois bon envers tes deux parents.
Neuf mois sous membrane voilé
t'a gardé ta mère comme un mort sous linceul.
Très rude fut le labeur de ton père.
Il tirait de ses mains ce qui t'a nourri.
Il fallut trente-trois mois 3 pour que furent durcis
les trente-trois anneaux 3 de la colonne dorsale.
O mon père ô ma mère je serai plein de gratitude !
reconnaissant envers vous ! que force créatrice guide mes pas.
Sevrés du lait maternel, puissions-nous sucer le savoir !
Il n'y a pas de doute, nous allons vers Kaydara ;
le lointain, le bien proche Kaydara. »
A peine Demburu eut-il cessé sa chanson
Notes
1. Au sens propre, les ombres qui se déplacent suivant le mouvement du soleil.
2. Manna est le titre par lequel on désignait les rois initiés ; il devint le nom même du roi initié légendaire, que l'on rencontre à l'origine de nombreux contes initiatiques. De même, Hammadi-Manna sera le héros type, fils du roi, chevalier défenseur des opprimés.
3. On dit que l'enfant est accolé 33 mois à sa mère : les neuf mois de la portée et vingt-quatre mois d'allaitement. On dit aussi que chacun de ces mois consolide une vertèbre.