Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.
Hammadi hayboyaali giƴum bilaaɗo. 970
Mo faanni e ɗum ko faddoynoo mo wadde,
no gorel nayewel murii nuurnii e makko
nde silminnoo salii fay jaaboyaade.
Demburu wii:
— « Hammadi ee a wontii kaawnoyiiɗo! 975
Ko ɗimmoy-ɗaa e kaanɗuɗo muumɗi itti?
Mi hultii e maaɗa dee faɗɗeede kille.
Ada nii yooloyoo kala nyannde fuu maw
gila njii-ɗen ne Kaydara inndiraaɗo
woɗɗa ɓadaajo Kaaydara balloyiiɗo. » 980
Hammadi hinnitii anniima hoownaa
gorel nayewel a waalli e jam wiyoyde.
Ndeen Hamtuudo yiinoo ɗum jaleeɗe
herkiti sanne pekkitoyii na waakoo:
— « Ko Hammadi tewti oo batoyaaɗo yaaɓa? 985
yaaɓira terɗe makko hoolngo nuygal? »
Hammadi haybataa fey mettinaali
ndaa gaajaate naawɗo giƴum gaɗoyɗo.
Gorel nayewel mo ɓattii faa mo faama,
mo yii ana ŋaara dow mum ŋaara-ŋara 990
pamaroy cannyii geese e ngaasa maggel,
peƴe kuɗi tuundi kala annii ma ɗiɗɗi
keni adi ngaddi dow saayannde ɗibbi.
Mo taykii dow gorel nayewel na ɓurtii
ley muni juudde cili ɗiɗi kiɓɓi pellet 995
busal nyaamal na ɓuri nanewal tewaade.
Wowwude laabi ɗiɗi taykaama lolli
teppere helɓitii suppoo daraare
ndee too ajjitii kam teppereere.
Gite leeleeje ndee ana nyippi leydi 1000
Hammadi n'écouta point son ami insensé.
Il persista dans ce qu'il avait à faire,
tout comme le petit vieux demeurant immobile
refusait de répondre à ses salutations.
Dembuuru dit:
« O Hammadi, te voilà devenu étrange !
Qu'espères-tu tirer d'un homme fou et muet ?
J'ai bien peur que ta raison 1 n'agonise.
Tu te noies ainsi chaque jour et chavires
depuis que nous avons vu Kaydara
ledit lointain et bien proche Kaydara. »
Hammadi, quant à lui, continua de saluer
ce petit vieux en lui disant bonjour.
Voyant cela, Hamtuudo 2 se mit à rire
aux éclats, il se tordit de rire.
« Que veut Hammadi auprès de ce possédé ?
Que son pied fourchu lui marche par-dessus le corps ? »
Hammadi ne se lassa guère, ne se fâcha même pas
de la plaisanterie méchante que lui fit son ami.
Il s'approcha du petit vieux et l'observa.
Il vit que se promenaient sur lui des araignées minuscules
qui avaient tissé leurs toiles dans sa chevelure
et que des brins d'herbe et toutes sortes de déchets
que les vents avaient charriés s'entassaient sur sa tête.
Il vit que le torse du petit vieux dépassait
par deux fois la longueur de ses membres
et que sa cuisse droite était plus épaisse que la gauche.
Son menton faisait deux fois la taille normale
et ses pieds repliés étaient ratatinés:
l'un était équin 3, l'autre était talus 3.
Il louchait des deux yeux : l'un fixait le sol
Notes
1. C'est la direction de Kaydara ; on dit que « la nouvelle vient toujours1. Hammadi paraît fou en effet, et c'est normal car la sagesse initiatique semble folie pour le bon sens vulgaire. On dit qu'il y a trois sortes de fous : celui qui avait tout et qui perd tout brusquement ; celui qui n'avait rien et qui acquiert tout sans transition; enfin le fou, malade mental; on pourrait ajouter un quatrième fou à cette classification populaire : celui qui sacrifie tout pour acquérir la sagesse, comme ne cessera de le faire Hammadi, l'initié exemplaire.
2. Hamtuudo et Demburu ont la même réaction devant le vieux : ils pensent que c'est un génie maléfique qu'il ne faut pas provoquer (suuɗiiɓe désigne aussi bien les invisibles bons que les mauvais).
3. Pied équin : qui marche uniquement sur la pointe ; pied talus : qui ne marche que sur le talon.