Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.
gorel nayewel na ɓaacii licce coɓɗe
gere funnaange fewtini yeeso hooynii
anni yheewa kammu majaali fey fey;
joopoto sukkoyaa nii wonnde denngii 945
hoodere maa ko dammbitoyaa e kammu.
Kanko e laatoyaade moɗaaɗo millo,
omo te'i calɗi makko ngalaa ko ngatta
so naa nde mo muuyi dillintaako fay ɗoo,
di ngattaa huunde fuu nde mo immanaaki. 950
Hammadi taykoyii faa huunde juuti
mo faami nayeejo oo jooliiɗo miilo,
artoytaako haalda e neɗɗo fuu pus.
Hammadi needi ɓattiroyiia mo tippiib,
konngol hunduko ana yallini mo jaaboo. 955
Mo jowtiri teddungal:
— « Jam waali abba! »
Nayeejo wa'oy no paho fey jaaboyaaki.
Hammadi ɗimmitii jowtaango muuɗum.
Tampii meere kiikala jaaboyaaki. 960
Hammadi tampataa anniima doonii,
omo nii waalna jam nayewel na nuurni,
fay lettaade seeɗa waɗaali fay ndee.
Mo yheewoytaa mo haalda e kaaldo makko.
Hammadi, Demburu sekanii ɗum no ɗuuɗi, 965
mo teɓɓii ɗum e balawal dukkinaaɗo:
— « Ngaalla giyham mo wii, sel haanɗiɗinde!
E bando suka hecci'en ɓee nyaaɗa ngaasa
ɗo tenɗi e nyebere nyallata durde yiiloo! »
Notes
a. La forme complète est ɓad(i)tiroyii devenue ɓadtiroyii et ɓattiroyii.
b. L'allongement de la voyelle finale est dû au rythme du vers.
un petit vieil homme couvert de haillons sales,
assis, la face tournée vers l'est 1, le visage relevé,
et sans le moindre frisson, observant le ciel.
Il semblait attendre ainsi l'apparition
d'une étoile ou de toute autre chose céleste.
Si englouti en ses pensées qu'il fût,
il maîtrisait ses membres 2 qui ne remuaient point.
Hors de ce qu'il voulait faire, rien ne bougeait en lui
Tous les gestes de son corps étaient délibérés.
Hammadi scruta longuement et comprit
que le vieil homme était si noyé de songes
que jamais, à quelqu'un, il ne parlerait le premier.
Hammadi s'approcha poliment de lui et lui adressa
la parole en souhaitant une réponse.
Il salua avec déférence
« Bonjour père ! 3 »
Le vieil homme semblait sourd ; il ne répondit point.
Hammadi, cependant, renouvela son salut 4.
Ce fut en pure perte, l'aïeul ne répondit rien.
Hammadi sans se lasser, persévéra.
Il continua à dire bonjour au petit vieux qui restait impassible.
Il n'éprouva pas la moindre irritation.
Le vieillard ne regardait même pas son interrogateur.
Dembuuru s'emporta contre Hammadi.
Il l'empoigna par l'épaule et le tança.
« Par Dieu mon ami, cesse d'être stupide, dit-il.
Qu'attends-tu d'un monstre à raide tignasse
où tout le jour poux et cafards paissent et se promènent? »
Notes
1. C'est la direction de Kaydara ; on dit que « la nouvelle vient toujours du soleil levant », et plus généralement les Fulɓe sont sensés venir de l'est, jusqu'en Afrique de l'Ouest, puis retourner vers l'est.
2. C'est un des degrés de l'initiation. Chaque geste est voulu, délibéré ; dans la secte Tijaaniyya, quand on récite la prière dite « perle de la perfection », on garde une fixité complète ; de même, Cerno Bookar, qui avait fait une synthèse entre l'Islam et l'initiation pullo, pouvait garder la même position durant tout son temps d'enseignement ; on disait alors qu'il était « limpide comme l'huile d'arachide ». Le contrôle des membres n'est pas un exerce gratuit ; comme dans toute ascèse, c'est un entraînement, « car la maîtrise du corps facilite celle de l'âme ».
3. Salut non familier ; exorcisme incantatoire.
4. Plusieurs saluts sans réponse constituent une épreuve d'humilité, fréquente dans la société pullo ; le vieux met le jeune à l'épreuve et il convient que le jeune persiste sans impatience afin de lui arracher une réponse.