Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.
Worɓe mawɓe ɓee kala kawraali e nokku janta oo, ɓe peccii haala. Aljumaare hooderea, yoga wii ndeen ɓulni janta oo, deeri e leydi. Yoga waɗoyb yooc hoodere asaweere; 150 heewbe rabil aland jey oo sirri. Yeddoyaaka fey, kala fu ɓe kawrii yo wonde nyalɗe Baataasari laaɓɗe kanje soomi ngoni baafal sirri sirri Laaytungale, ko'e muudum joy. 155 Eɗe ngaɗaa e kala fuu daroyiinduf. Lewru fuu, yo sappo e tati muuɗum, kanyum duu e sappo e nay muuɗum, timma jamma sappo e joy mayru. Njiyaa jamma ɗee tati ana pooyna, 160 waala weeta, niɓɓere wattaa fey. Jantoyaama, wiyoyaa Joom-Jeeri taaniraawo Hammadi roni yidde jannga faama faa heɓa wona nyeenyɗo. Haawnoyaaki, sabu dey baa Bara wii : 165 « Ko muyni dogota molu, fay mola mbabba ». Jemma kala mo ƴeeŋan dow beene, mo ƴeewa kammu, eskin Joom-Jeeri! Taykitaade holli mo, kala lewru fooyniraama Baataasari laaɓɗo; 170 |
Tous ces patriarches ne sont pas tombés d'accord sur cette histoire et leurs propos divergent. L'étoile du vendredi, ont dit certains, est celle qui fit sourdre le conte et le déversa sur terre. D'autres l'attribuent à l'étoile du samedi; beaucoup disent que le secret appartient à celle du dimanche 1. Mais nul ne conteste, tous sont unanimes que les jours de pleine lune de Bâtâsari sont ceux qui derrière leur vantail cèlent le secret de la grande scintillante à cinq têtes. Ces trois jours, dans chaque lune sont contenus. Pour chaque lune, c'est sur le treizième jour et aussi le quatorzième (qu'ils tombent) pour finir dans la nuit du quinzième. Vois-tu, les nuits de ces jours s'illuminent du soir au matin; l'obscurité point ne tombe. On raconte, on dit que Jom-Jeeri 2, petit-fils de Hammadi, hérita du désir d'apprendre, de comprendre pour devenir sage. Ce n'est pas surprenant; père Bara 3 disait : « Même pour un ânon, c'est ce qu'il a tété qui constitue son fond. » Chaque nuit, Jom-Jeeri sur la terrasse montait et contemplait le ciel; louanges à Jom-Jeeri! L'observation lui apprit que chaque mois était éclairé par le Bâtâssari limpide; |
Notes a. L'ordre syntaxique normal serait hoodere aljumaare . A comparer avec hoodere asaweere du vers 150. b. Dans cet autre cas, le suffixe verbal de l'accompli narratif actif a été élidé, autre procédé poétique classique qui ne sera plus noté dans la suite du récit. Comparer avec jey du vers 151. c. L'allongement de la particule yo (que l'on retrouve sous sa forme habituelle dans les vers 153 et 157) est rythmique. d. Forme dialectale pour alat qui, en perdant son -t final, est devenu ala (forme intermédiaire attestée dans les parlers du Fuuta-Jalon), puis alan. e. Le «classificateur» ngal se réfère à Koodal qui ne sera cité sous cette forme qu'au vers 190 mais que l'accord grammatical de laaytungal sous-entend. f. Autre forme renvoyant à un substantif sous-entendu, ici lewru. |
Notes 1. On ne sait pas bien à quel jour précis attribuer cette étoile; le samedi est pour les Fulɓe le jour le plus favorable; mais le dimanche, chez les Bambaras, est le jour faste où l'on ne fait pas de condoléances; enfin vendredi est lejour sacré du monde musulman; l'étoile Koodal appartenant aux trois civilisations, on fait les invocations nécessaires pendant ces trois jours pour être sûr de ne pas se tromper. 2. Jom-Jeeri signifie maître du Jeeri, maître de la brousse; ici c'est un nom fictif; en effet, il s'agit de l'initiation d'un chef qui n'est pas encore silatigi; ce Jom-Jeeri est mythique, bien sûr, tout comme son ancêtre Hammadi dont il est l'héritier politique, et de qui il lui faut devenir l'héritier spirituel. Chez les Fulɓe pasteurs, en effet, c'était le silatigi qui connaissait la brousse, lisait les robes des animaux, connaissait et interprétait hommes et choses. Chaque matin un ardo était désigné selon le thème géomantique décrit par le silatigi de la tribu, qui disait alors : « Attache la bouche de la brousse et mets-toi devant ». Par la suite, quand les Fulɓe commencèrent à se fixer, les arbe les plus habiles prirent le pouvoir définitivement, à la place du silatigi; mais il restait toujours au chef à mériter d'être digne de son pouvoir et à se faire initier par les détenteurs des forces occultes. C'est ici le cas-type de Jom-Jeeri qui se fera initier par le silatigi Bagumaawel. 3. Père Bara : c'est un initié peul mythique qui a laissé beaucoup d'adages. |