Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.
Huunde worri mi faa waɗi duuɓi debea, ɗi kiɓɓi gootel nyakoyaali. Kala na yetta Joom-Jeeri na du'onoo, sanne Baagumaawel eɓe njiɗi ɗum. Jemma gooto, tuma hejjere yonti, 575 sawtu belɗo soowtini ana saata. Ko ɗum wiyata, keɗo-ɗee fa mi haala: « Mawniraaɓe waalɓe ɓe ɗaanaaki, ee funeeɓe waalduɓe gite joorɗe, minnyiraaɓe ŋoŋoyaali so soƴƴoo, 580 onon kodda'en ɓee ɓe ɗaanaaki, ngaree biire-ɗon paaton fooyre. Kenyee koo ngaree, mo waroyaa weelee, weelo heddoyoo e nder muni faltaab. Mbiyee Laamɗo leyɗin majoyoowal, 585 fooyre jalmitittaa sako laaɓta. Mbiyee Laamɗo leyɗin oonyiinde ndee fotiire yaaya mo haarnaali, biɓɓe wondi deeroyi paltaali. Laamɗo ittu inna mo ŋappitiinde, 590 joom fotiire ley mum waɗi geewi. Ndogee ndiiranee faa nyemmben ne yaadu foondu laacal ana juuti, leeɓi ŋarɗi ɗelmuɗi ɗi ndu weerta; weeya toowa ana doya dow mbeeyu.» 595 jemma arano Baataasari ɗum waɗi, jemma duuɓi debe heɓi jantaako. Ko jantoyaa nde waɗi nii, Joom-Jeeri |
Il en fut ainsi durant quarante années bien sonnées, pas une de moins; et chacun de remercier Joom-Jeeri et de prier pour lui; ils aimaient beaucoup Baagumaawel. Une nuit, quand arriva minuit, une voix mélodieuse se fit entendre, qui retentit ; ce que dit cette voix, prêtez l'oreille, que je le conte : « Vous, les aînés, qui sans dormir avez passé la nuit 1, ô vous jumeaux, qui avez passé la nuit les yeux secs, cadets, qui n'avez point cédé au sommeil, ô vous, les derniersnés, qui ne dormez pas, venez pour être instruits et vous marcherez vers la lumière ! Hâtez-vous, venez ! Qui point ne vient sera affamé, en lui la faim restera, insatiable ! Dites que Dieu rabaisse celui qui lance des éclairs mais dont la lueur ne brille pas d'un pur éclat 2 ! Dites que Dieu rabaisse la marmite bancale, celle de la mère qui ne rassasie pas [sa famille] ; auprès d'elle les enfants avides ne sont pas repus ! Que Dieu chasse la mère dont la marmite est fêlée, la mère dont la marmite a le fond craquelé ! Courez, en route ! Imitons la marche de l'oiseau à la longue queue 3 et aux jolies plumes luisantes déployées; il plane haut, ondulant dans l'espace. » C'est la première nuit du Baataasari que cela se produisit, la nuit où ce qui fut conté fut vieux de quarante ans. Quand advint tout ce qui a été décrit, Joom-Jeeri, |
Notes a. Ce mot d'origine bambara est employé ici de préférence à son synonyme pular/fulfulde cappande nayi à cause de sa qualité rythmique. b. Cette forme est une réduction de la forme verbale faltataa qui, bien que plus grammaticale, serait rythmiquement inadéquate. |
Notes 1. Le conteur s'adresse ici à son public, par ordre d'âge décroissant, et les invite à tendre l'oreille à ce qui va suivre et qui est important ; en effet, après cette longue introduction qui a dû mettre leur patience à l'épreuve, ceux qui sont encore éveillé ont mérité la récompense de leur attention, et recevront l'enseignement initiatique. 2. Briller sans éclairer, c'est-à-dire d'un éclat impur; cette fausse lumière est ici une allusion aux magiciens châtiés par Baagumaawel; cela peut aussi désigner les faux maîtres qui sont brillants mais vides, ou encore semblables à ces mères dont la marmite est fêlée; et par opposition à ceux-ci, cela peut être une valorisation du rôle de l'initiateur, du maître qui nourrit vraiment ses disciples. 3. En principe il s'agit de l'autruche que les disciples sont invités à imiter; en initiation, on dit : « jusqu'à ce que l'autruche s'envole très haut », et cela signifie l'extraordinaire, l'anormal, le mystérieux. Cependant il est possible qu'il y ait là une allusion à Kaydara qui s'envola sous la forme d'un oiseau merveilleux après avoir fait ses révélations à Hammadi. |