Cahiers de l'Homme. École Pratique des Hautes Études, VIe section. Mouton et Cie. Paris, 1961, 95 pages.
[1] Le rituel auquel procède Foroforondu est celui qui est exécuté pour guérir un malade, enrichir un pauvre, affranchir un esclave, purifier un impur… On mélange ce qui est plein avec ce qui est vide, et ceci avec l'eau, mère de toute vie. C'est aussi la puissance qui dompte, le signe de la connaissance non violée.
[2] Présenter la terre en boule « dompte» le bœuf. Le pastorat implique la domestication mais non pour s'en servir à des fins personnelles : car le Pullo sert le bovidé.
[3] La « sortie » du veau est symbole de la naissance. Sile meurt et renaît ; la renaissance accomplie par le néophyte fait sortir le veau fadaletoodde qui est de bon augure : s'il n'était pas « sorti », Sile aurait dû recommencer son initiation.
[4] Sile doit se laver deux fois en sens contraire ; dans certaines tribus Fulɓe le même rituel est exécuté pour laver un cadavre avant de l'ensevelir.
[5] La lustration de Sile, analogue à celle effectuée pour un cadavre, témoigne de sa mort sous son ancien état, mort qui a précédé sa renaissance spirituelle. Il est alors digne de monter le bovidé multicolore dont il recevra tout.
[1] Après avoir dit ces paroles, Foroforondu se dirigea vers la grande termitière. Elle y arracha une motte de terre. Elle alla en arracher à la petite termitière. Elle prit une poignée de terre de la fourmilière abandonnée et une de celle qui est habitée. Elle pétrit le tout avec l'eau puisée dans l'étang. Elle revint auprès de ses deux compagnons qui attendaient : Kumen, impassible et presque distrait, Sile intrigué et même intimidé. Elle remit la boule à Sile et lui dit : « Va déposer ceci sous l'arbre et ne t'occupe pas du bœuf. »
[2] Sile exécuta l'ordre de Foroforondu. Il vit alors le bœuf sortir de son affût et venir vers lui avec le mugissement d'un animal qui reconnaît son maître. Au même instant, un veau fadaletodde sortit de l'étang et bondit vers Sile.
[3]« Le veau est sorti, s'écria Kumen. Sile est désormais un homme renouvelé. Il peut recevoir les secrets du ngaynirki. Il était esclave du boeuf, désormais celui-ci sera son serviteur. Il ne lui reste plus qu'à savoir le nom caché du bœuf sacré. »
Foroforondu dit à Kumen : « Enseigne à Sile les formules du ngaynirki. »
[4] Kumen dit à Sile : « Va faire un circuit autour de l'arbre, de l'étang, des termitières, des fourmilières et après tu te laveras dans l'étang, en commençant par :
• le côté droit, de la tête à la plante du pied
• le côté gauche de la plante à la tête
• le côté gauche de la tête à la plante du pied
• le côté droit de la plante du pied à la tête. »
Sile fit le circuit des lieux indiqués. Il entra dans l'étang où il se lava conformément au rituel indiqué par Kumen.
[5] Quand il voulut sortir, l'étang fut absorbé miraculeusement et Sile se trouva sans savoir comment sur le dos du bovidé hermaphrodite au pelage fait de toutes les couleurs bovines.