Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre I
lères. Alors, verges, bûches enflammées, tout ce qui lui tombait sous la main servait au châtiment. Samba Diallo se souvenait qu'un jour, pris d'une colère démente, le maître l'avait précipité à terre et l'avait furieusement piétiné, comme font certains fauves sur leur proie.
Le maître était un homme redoutable à beaucoup d'égards. Deux occupations remplissaient sa vie : les travaux de l'esprit et les travaux des champs. Il consacrait aux travaux des champs le strict minimum de son temps et ne demandait pas à la terre plus qu'il ne faut pour sa nourriture, extrêmement frugale, et celle de sa famille, sans les disciples. Le reste de son temps, il le consacrait à l'étude, à la méditation, à la prière et à la formation des jeunes gens confiés à ses soins. Il s'acquittait de cette tâche avec une passion réputée dans tout le pays des Diallobé.
Des maîtres venant des contrées les plus lointaines le visitaient périodiquement et repartaient édifiés. Les plus grandes familles du pays se disputaient l'honneur de lui envoyer leurs garçons.
Généralement, le maître ne s'engageait qu'après avoir vu l'enfant. Jamais aucune pression n'avait pu modifier sa décision, lorsqu'il avait refusé. Mais il arrivait qu'à la vue d'un enfant, il sollicitât de l'éduquer. Il en avait été ainsi pour Samba Diallo.