Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre I
-sertent nos foyers ardents au profit de vos
écoles ?
— Rien, grand maître … ou presque. L'école apprend aux hommes seulement à lier le bois au bois… pour faire des édifices de bois …
Le mot école, prononcé dans la langue du pays, signifiait bois. Les trois hommes sourirent d'un air entendu et légèrement méprisant à ce jeu de mots classique à propos de l'école étrangère.
— Les hommes, certes doivent apprendre à se construire des demeures qui résistent au temps, dit le maître.
— Oui. Cela est vrai surtout de ceux qui, avant l'arrivée des étrangers, ne savaient point construire de maisons.
—Vous-même, chef des Diallobé, ne répugnez-vous pas à envoyer vos enfants à l'école étrangère ?
— A moins de contrainte, je persisterai dans ce refus, maître, s'il plaît à Dieu.
— Je suis bien de votre avis, chef — c'est le directeur de l'école qui parlait — je n'ai mis mon fils à l'école que parce que je ne pouvais faire autrement. Nous n'y sommes allés nous-mêmes que sous l'effet de la contrainte. Donc, notre refus est certain … Cependant, la question est troublante. Nous refusions l'école pour demeurer nous-mêmes et pour conserver à Dieu sa place dans nos coeurs. Mais avons-nous encore suffisamment