Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre II
Les trois autres disciples reprirent en choeur :
— « Qui nourrira aujourd'hui les pauvres disciples ? Nos pères sont vivants et nous mendions comme des orphelins. Au nom de Dieu, donnez à ceux qui mendient pour Sa Gloire. Hommes qui dormez, songez aux disciples qui passent ! »
Ils se turent. Samba Diallo reprit seul :
— « Gens de Dieu, la mort n'est pas cette nuit qui pénètre d'ombre, traîtreusement, l'ardeur innocente et vive d'un jour d'été. Elle avertit, puis elle fauche en plein midi de l'intelligence. »
Les trois disciples en choeur :
— « Hommes et femmes qui dormez, songez à peupler par vos bienfaits la solitude qui habitera vos tombeaux. Nourrissez le pauvre disciple ! »
— Gens de Dieu, vous êtes avertis, reprit Samba Diallo. On meurt lucidement, car la mort est violente qui triomphe, négation qui s'impose. Que la mort dès à présent soit familière à vos esprits … »
Sous le vent du matin, Samba Diallo improvisait des litanies édifiantes, reprises par ses compagnons, à la porte close de son cousin, le chef des Diallobé. Les disciples circuleront ainsi, de porte en porte, jusqu'à ce qu'ils aient rassemblé suffisamment de victuailles pour leur nourriture du jour. Demain,