Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre II
altier, une tête de femme qu'emmitouflait une légère voilette de gaze blanche ».
— La paix règne-t-elle dans votre demeure, maître des Diallobé ?
— Je rends grâce à Dieu, Grande Royale. La paix règne-t-elle chez vous de même ?
— Grâces soient rendues au Seigneur.
Elle se déchaussa à trois pas du maître et prit place sur le tapis qu'il lui indiqua.
— Maître, je viens vous voir au sujet de Samba Diallo. Ce matin, j'ai entendu les litanies qu'il improvisait.
— Je les ai entendues aussi. Elles sont belles et profondes.
— J'en ai été effrayée. Je sais bien que la pensée de la mort tient le croyant éveillé et je compte l'inquiétude qu'elle met dans nos coeurs parmi les bienfaits de Notre-Seigneur. Je sais aussi quelle fierté je devrais éprouver des dons d'intelligence qu'il a plu à Notre-Seigneur d'impartir à mon jeune cousin.
— Oui, dit lentement le maître comme se parlant à lui-même. Il n'est pas un des lourds croyants éveillés par ses sermons matinaux dans le coeur de qui, à la grande terreur qu'il suscite, ne se mêle un sentiment d'admiration.
— Néanmoins, je suis inquiète, maître. Cet enfant parle de la mort en termes qui ne sont pas de son âge. Je venais vous deman