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Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/

Paris, Julliard, 1961. 209 pages


Chapitre II


-der, humblement, pour l'amour de ce disciple que vous chérissez, de vous souvenir de son âge, dans votre oeuvre d'édification.
Ayant dit, la Grande Royale se tut. Le maître demeura longtemps silencieux. Quand il parla, ce fut pour poser une question.
— Grande Royale, vous souvenez-vous de votre père ?
— Oui, maître, répondit-elle simplement, surprise néanmoins.
— Moins que moi, car je l'ai connu bien avant vous et l'ai toujours approché de près. Mais vous souvenez-vous dans quelles dispositions il mourut ?
— Je me souviens, certes.
— Moins que moi encore, car c'est moi qui lui ai dit la prière des agonisants et qui l'ai enterré. Permettez-moi de l'évoquer ce soir et cela ne sort point de nos propos.
Le maître se tut un instant, puis reprit :
— Il a longtemps souffert seul, sans que nul n'en sût rien, car il n'avait rien changé dans son mode d'existence. Un jour, il me fit appeler. Lorsque je parus, après qu'il m'eut longuement salué, que nous eûmes causé comme à l'accoutumée, il se leva, alla à une malle qu'il ouvrit et en sortit une grande pièce de percale. « Ceci, me dit-il, est mon linceul et je voudrais que vous m'indiquiez la façon rituelle de le tailler. »
Je cherchais son regard. La paix et la gravité