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Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/

Paris, Julliard, 1961. 209 pages


Chapitre III


chaque jour davantage, accentuait sa fâcheuse propension à rester collé à la terre. Par exemple, le maître ne comptait plus sur ses articulations des pieds, qui lui refusaient toute obéissance.
Il avait résolu de s'en passer et ses jarrets étaient devenus secs et rigides comme le bois mort que brûlaient les disciples. La démarche du maître avait, de ce fait, pris la curieuse allure dandinée des palmipèdes anatidés. Le maître avait dû se résoudre, de la même façon à ne tenir aucun compte de la pesante douleur qu'il ressentait au niveau des reins, chaque fois qu'il se courbait ou se redressait.
Les articulations des genoux et des coudes fonctionnaient encore, quoique en craquant de façon incongrue. Paradoxalement, toute cette souffrance et cette sédition de son corps suscitaient dans l'humeur du maître une gaieté qui le laissait perplexe. Cependant que la douleur le pliait, il avait peine à maintenir son sérieux, comme si le grotesque qu'il observait n'était pas le sien propre. De nouveau, ce rire en lui se retenait d'éclater. A ce moment, le maître qui avait levé les deux bras, face à l'Est, pour commencer sa prière s'interrompit, s'assombri soudain par un soupçon.
Ce rire n'est-il pas impie ? « Peut-être est-ce une mauvaise vanité qui me gonfle ainsi. » Il réfléchit un instant. « Non, pensat-il. Mon rire est affectueux. Je ris parce que