Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre III
mon vieux compagnon fait des farces avec le craquement de ses articulations. Mais sa volonté est meilleure que jamais. Je crois bien que même quand il sera tout à fait collé à la terre, de tout son long, sa volonté sera encore très bonne. Il priera, je l'aime bien, va. »
Rasséréné, il se recueillit et préluda à sa prière.
Lorsque vint l'émissaire, le maître ne le vit pas. Simplement, il entendit une voix derrière lui.
— Grand maître, le chef souhaiterait que vous lui fassiez l'honneur d'une visite, si vos hautes préoccupations vous en laissent le loisir.
La pensée du maître, lentement et comme à regret, se détacha des cimes qu'elle contemplait.
Le maître, à la vérité, revenait de loin.
— Tant que mon corps m'obéira, toujours je répondrai au chef. Ainsi dites-lui que je vous suis, s'il plaît à Dieu.
Quand il pénétra dans la chambre du chef, il le trouva qui priait encore. Il s'assit sur la natte, sortit son chapelet et attendit. Des volutes odorantes d'encens s'échappaient du grand lit blanc et estompaient légèrement la lumière que diffusait la lampe tempête. Tout dans cette chambre était propre et pur. Le chef, revêtu d'un grand boubou blanc était maintenant assis, immobile, face à l'Est. Sans doute en était-il au témoignage