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Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/

Paris, Julliard, 1961. 209 pages


Chapitre III


tourner, mon pays et moi, prendra-t-il fin ? Grande Royale, dites-moi que votre choix vaudra mieux que le vertige ; qu'il nous en guérira et ne hâtera pas notre perte, au contraire. Vous êtes forte. Tout ce pays repose sous votre grande ombre. Donnez-moi votre foi.
— Je n'en ai pas. Simplement, je tire la conséquence de prémisses que je n'ai pas voulues. Il y a cent ans, notre grand-père, en même temps que tous les habitants de ce pays, a été réveillé un matin par une clameur qui montait du fleuve. Il a pris son fusil et, suivi de toute l'élite, s'est précipité sur les nouveaux venus. Son coeur était intrépide et il attachait plus de prix à la liberté qu'à la vie. Notre grand-père, ainsi que son élite, ont été défaits. Pourquoi ? Comment ? Les nouveaux venus seuls le savent. Il faut le leur demander ; il faut aller apprendre chez eux l'art de vaincre sans avoir raison. Au surplus, le combat n'a pas cessé encore. L'école étrangère est la forme nouvelle de la guerre que nous font ceux qui sont venus, et il faut y envoyer notre élite, en attendant d'y pousser tout le pays. Il est bon qu'une fois encore l'élite précède. S'il y a un risque, elle est la mieux préparée pour le conjurer, parce que la plus fermement attachée à ce qu'elle est. S'il est un bien à en tirer, il faut que ce soit elle qui l'acquière la première. Voilà