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Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/

Paris, Julliard, 1961. 209 pages


Chapitre III


-mora son rire intérieur à l'instant solennel de sa prière.
« Je ne sais même pas pourquoi j'ai ri. Ai-je ri parce que, en vainquant mon corps, j'avais conscience de faire plaisir à mon Seigneur, ou par vanité, tout simplement ? Je ne sais pas décider de ce point. Je ne me connais pas… Je ne me connais pas, et c'est moi qu'on choisit de regarder ! Car on me regarde. Tous ces malheureux m'épient et, tels des caméléons, se colorent mes nuances. Mais je ne veux pas : je ne veux pas ! Je me compromettrai. Je commettrai une grande indignité, s'il plaît à Dieu, pour leur montrer qui je suis. Oui… »
— Mon frère, n'est-il pas vrai que sans la lumière des foyers nul ne peut rien pour le bonheur des Diallobé ? Et, grand maître, vous savez bien qu'il n'est point de dérobade qui puisse vous libérer.
— Madame, Dieu a clos la sublime lignée de ses envoyés avec notre prophète Mohammed, la bénédiction soit sur lui. Le dernier messager nous a transmis l'ultime Parole où tout a été dit. Seuls les insensés attendent encore.
— Ainsi que les affamés, les malades, les esclaves. Mon frère, dites au maître que le pays attend qu'il acquiesce.
— Avant votre arrivée, je disais au maître : « Je suis une pauvre chose qui tremble et qui ne sait pas. » Ce lent vertige qui nous fait