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Islam


Fernand Dumont
L'anti-Sultan ou Al-Hajj Omar Tal du Fouta,
combattant de la Foi (1794-1864)

Nouvelles Editions Africaines. Dakar-Abidjan. 1979. 247 pages


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Le Mujâhid (Combattant de la Foi)

6. La chute

Jules Salenc 1 cite ce passage de la lettre d'Al-'Alawî Al-Shanqîtî : « Des croyants, que l'on croyait être des saints parfaits et des imâm-s très zélés, ne craignirent pas de s'attaquer à Al-hâjj Omar et aux siens » . Il s'agissait, comme on va le voir, des notables et des chefs du Macina, autant que des atitorités religieuses musulmanes de Tombouctou.
Le poète chroniqueur 'Aliou Tyam, qui avait reçu du cheikh Omar l'ordre de se joindre à l'armée d'Ahmadou Al-Kabîr Al-Madanî, « l'Arabe » , qui regagnait le Ségou pour y contenir la révolte des Bambara, poursuivit néammoins la rédaction de sa qacida, avec des renseignements de seconde main. Ce qu'il nous a laissé n'en est pas moins intéressant.
On sait que le cheikh Sayyîdî Ahmad Al-Bakkay veillait sur Tombouctou, convoitée par Al-hâjj Omar, cependant que la famille du cheikh Al-Mukhtâr Al-Kuntî elle-même se divisait entre partisans et adversaires d'Al-hâj Omar, ce que déplore vivement Al-'Alawî, qui note, avec amertume, qu'auparavant Al-Bakkay avait entretenu de bonnes relations avec le cheikh Omar; et il conclut par ces mots :

« Seul est véritablement un Homme en ce monde celui qui n'a pas ici-bas une confiance aveugle en un homme quelconque ».

En donnant à son fils Ahmadou, déjà titulaire du commandement du Ségou, celui du Macina (février 1863), Al-hâjj Omar avait négligé, selon son habitude, de tenir compte des facteurs politiques locaux. En effet, deux oncles du défunt émir du Macina, Bâ Lobbo et 'Abdoul Salam ('Abd-al-Salâm), anciens commandants d'armée du Macina, s'étaient rendus au cheikh, dans l'espoir d'être investis, par celui-ci, du pouvoir tombé en deshérence après l'exécution de l'émir. Ils étaient appuyés par Al-Bakkay, exaspéré et inquiet devant les exigences des Toucouleurs du cheikh Omar. Les prisonniers furent d'abord bien traités. Mais, comprenant enfin la vanité de leurs espoirs (Al-hâjj Omar se méfiait d'eux, et les considérait surtout comme des otages), ils se mirent à comploter, avec l'aide et les encouragements d'Al-Bakkay. Al-hâjj Omar fut averti par un traître de l'entourage d'Al-Bakkay, et il fit mettre les deux conjurés aux fers.
A Ségou, de son côté, Ahmadou s'empara des comploteurs, et les envoya à son père qui les fit décapiter. Le cheikh Omar, pour en finir avec la source des complots et avec l'âme de la résistance, lança alors, contre Tombouctou, une armée commandée par Alfa Omar.
Tombouctou, trouvée vide, fut pillée. Mais, au retour, l'armée d'Alfa Omar fut écrasée à Goundam (mars 1863) par le propre fils d'Al-Bakkay qui venait au secours des Maciniens en révolte. Les troupes d'Al-hâjj Omar s'enfuirent en abandonnant les fameux obusiers ou « boucs du Gouverneur » , instruments de tant de succès. Al-hâjj Omar, qui faillit lui-même être pris, se sauva en pirogue, et songea sur le moment à gagner le Hodh pour rejoindre ensuite Nioro par le désert et y refaire une puissante armée, grâce aux réserves accumulées depuis des années dans cette base-arrière. Mais il ne put mettre son idée en exécution, et se vit contraint de revenir au Macina, où la révolte s'étendait.
En effet, Bâ-Lobbo et 'Abd-al-Salam avaient mis à profit les événement, et les désordres qui s'en étaient suivis, pour s'évader à la fin du mois de mars 1863, et se réfugier auprès d'Al-Bakkay.
Al-hâjj Omar fit alors exécuter les familles des deux fugitifs, ainsi que 'Alî b. Manzu, l'ancien chef du Ségou fait prisonnier et converti à l'Islam. Devant ces massacres, la révolte devint générale, à l'instigation surtout d'Ahmad Al-Bakkay, dont les plus sombres pressentiments quant au danger représenté par Al-Hâjj Omar s'étaient trouvés justifiés. Al-Hâjj Omar se trouva bloqué à Hamdallahi. Le cheikh Al-Bakkay, qui avait déjà eu l'occasion de conseiller au cheikh Omar de restituer le Macina à Bâ-Lobbo, ne pouvait plus, désormais, qu'agir à découvert. Il invita donc le vainqueur d'Ahmadou Ahmadou à se rendre auprès de Bâ-Lobbo pour négocier. Devant une telle offre, Al-hâjj Omar répondit en envoyant une troupe de mille cinq cents hommes, qui furent aussitôt cernés et bloqués. Un nouveau contingent de mille cinq cents hommes les délivrèrent. Mais, au retour, quelques détachements indisciplinés se firent surprendre et anéantir. Au cours de ces opérations militaires, les Touaregs et les Maures s'étaient joints aux troupes d'Al-Bakkay, contre A-hâjj Omar. Le résultat de ces soulèvements et de ces interventions fut qu'à la fin du mois de mai 1863, le Ségou et le Macina furent coupés l'un de l'autre. Al-hajj Omar fortifia Hamdallahi, mais, pour comble de malheur, un convoi de poudre à lui destiné fut anéanti (mai 1863). Les dernières nouvelles reçues du Ségou, avant l'interruption totale des communications, n'étaient pas bonnes : l'armée d'Ahmadou, en butte aux hostilités de l'ensemble des populations, se désagrégeait rapidement, et perdait toute efficacité, comme le nota Mage, qui se trouvait à ce moment-là retenu auprès d'Ahmadou, à Ségou-Sikouro.
Cependant le cheikh Omar tenta encore de lancer quelques attaques de dégagement, avant d'être complètement assiégé. Mais les Peuls révoltés et les contingents d'Al-Bakkay (avec des Touaregs et des Maures) infligèrent une cuisante défaite à deux lieutenants du cheikh Omar, à Mani-Mani, près du lac de Débo, au Sud-Sud-Est de Gourao, village sis lui-même au Nord de ce lac. Alfâ Omar fut tué … Alors le cheikh confia une seconde armée à Alfa Ousmane ('Uthmân), dit « le Rouge » , mais cette armée fut également battue à la journée de Ségue.
Désormais, le cheikh Omar se trouva enfermé dans Hamdallahi, sans espoir de secours immédiats. Il avait envoyé son neveu, Al-Tidjâni, demander des renforts, et son seul espoir était de le voir revenir suffisamment tôt pour briser le siège de la ville, où les talibés eux-mêmes commençaient à déserter.
Le siège dura plus de huit mois, du 20 mai 1863 au 8 février 1864. La famine s'en mêla. Son neveu, Al-Tidjânî, n'étant pas revenu, le cheikh Omar tenta de rompre le cercle de ses ennemis, dans la nuit du 6 au 7 février, après avoir mis le feu à la ville, à la fois pour créer une confusion propice à sa manoeuvre, et pour interdire toute hésitation et tout repli à ses hommes. Il réussit ainsi à entraîner une petite troupe de fidèles et ceux de ses fils qui étaient avec lui à Hamdallahi, ainsi qu'un certain nombre de ses familiers. Il y avait notamment Makki, Mahine, Muhammad Siré, Ahmad Moussa, Boubacar Bambî, Seïdi Korta, Demba Gueladyo, Samba Sada, et Ahmadou le Peul.
Mais les fugitifs furent rattrapés, et durent se réfugier sur un petit massif montagneux recouvert d'un maquis d'épineux, dans la région de Niongono. Une nuit, le cheikh réussit à se faufiler jusqu'à Déguembéré. Cerné de nouveau dans les falaises de Bandiagara, il trouva refuge dans une grotte, avec l'un de ses fils et quelques fidèles, cependant que les autres veillaient aux abords de la grotte. Un paysan ayant renseigné les Peuls, ceux-ci investirent le massif, et attaquèrent la grotte. Un combat désespéré fut livré par les défenseurs des abords de la grotte. Aucun des fils du cheikh Omar ne se rendit. Tous périrent en combattant. D'après Ouane Ibrahima Mamadou 2, deux fils d'Alhâj Omar périrent devant la grotte : Al-Makkî et Al-Hâdî, cependant qu'un troisième, Mahine, périt aux côtés de son père, dans la grotte. Au moment où tout espoir était déjà perdu pour les défenseurs, la grotte sauta, avec tous ses occupants, excepté un nommé Yéro Koïdolfi, qui s'était échappé, par ordre de son cheikh, en profitant de la mêlée générale qui se déroulait aux abords de la grotte.
Cet homme emportait quelques objets et documents importants appartenant au cheikh .
Les historiographes et les descendants du cheikh Omar ne sont pas d'accord sur la fin du cheikh. Les uns disent que c'est lui qui ordonna de mettre le feu aux réserves de poudre, pour ne pas tomber vivant aux mains des Peuls ; d'autres disent que la grotte fut enfumée à l'aide de broussailles, que ses occupants périrent asphyxiés, et que la réserve de poudre explosa ensuite, ensevelissant tous les occupants de la grotte; enfin, on dit aussi qu'un projectile mit le feu aux poudres et provoqua l'explosion et la destruction de la grotte. L'unanimité n'est pas faite non plus sur la date de la mort d'Al-hâjj.
Les auteurs de langue arabe ou peule donnent généralement la date du 4 du mois de Ramadân 1280 (H), correspondant au 12 février 1864. Delafosse donne septembre 1864. Quant à Al-Bakkay, il mourut, dit Al-Hâfiz, un an après le cheikh Omar, en 1281 (H), à une date correspondant à janvier ou février 1865.
Sitôt sorti de la grotte, Yéro Koïdolfi était parti au devant d'Al-Tidjânî, pour lui dire de se hâter au secours de son oncle. Al-Tidjânî avait réussi à rameuter quelques éléments de troupes, dont il avait fait un détachement cohérent. Il arriva trop tard pour sauver le khalife, mais il trouva, en arrivant, les Peuls et les gens de Tombouctou aux prises entre eux sur le problème de l'hégémonie, qu'Al-Bakkay revendiquait, en profitant des circonstances et de l'affaiblissement considérable du Macina. Al-Tidjânî, qui avait fait le serment de venger son oncle en voyant ce qui s'était passé à Bandiagara, écrasa sans peine les troupes du Macina et celles de Tombouctou, celles de Bâ Lobbo et celles de Sidiya. Au cours des représailles qui suivirent, Al-Tidjânî fit attacher et brûler « comme des cacahuètes » trois cents marabouts du Macina, d'un seul coup, après les avoir liés ensemble.
Le Chatelier, à propos de ce que rapporte Aliou Tyam, a recueilli des « traditions » chez les Malinkés et chez les Soninkés, d'après lesquelles les Kunta auraient dépecé et mutilé le cadavre du cheikh Omar et dispersé ses restes dans la brousse. On dit aussi qu'Al-Tidjânî, après avoir châtié les Kuntâ et les Peuls, alla fouiller les décombres de la grotte, et n'y trouva que des restes non identifiables, qu'il recueillit et fit ensevelir dans une forteresse édifiée à Bandiagara. C'est ce qu'on racontait encore, à Bandiagara, il n'y a guère longtemps … Mais, depuis lors, la légende de la survie du cheikh et de sa disparition miraculeuse s'est établie, et de nos jours il est de bon ton de l'accepter. Dès le mois de mars 1866 (24 Shawwâl 1282), Sayyîdî Al-hâj Ahmad b. Al-'Abbâs Al-Shanqîtî Al-'Alawî, qui fréquenta Al-hâjj Omar, a écrit que « les amis (du cheikh) disent qu'il est vivant » . C'est pourquoi Tyam a pu dire 4 : « Quiconque n'a pas le moyen d'aller à la caverne du Mont Hira 5, qu'il aille jusqu'à Déguembéré en visite, là il sera hors de (toute) préoccupation » . Après la tragédie de Déguembéré, la désagrégation de « l'empire tidjanite de l'Afrique occidentale » ne put être évitée par les différents successeurs du khalife disparu.
Ahmadou, fils d'Al-hâjj Omar, avait toujours eu beaucoup de mal à gouverner le Ségou. Il avait même été obligé de faire décapiter tous les chefs, cependant ralliés à sa cause, pour aligner son action sur celle de son père, notamment à propos de la répression du complot macinien. Il eut à faire front à des révoltes incessantes, notamment à Sansandin. Mais il perdit pied chaque jour davantage, au sein d'une population qui ne l'avait jamais reconnu comme chef, et qui était lassée par les exigences et les exactions des troupes d'occupation 6. Mage, qui a vécu à Ségou-Sikouro dans l'entourage immédiat du prince Ahmadou, et qui fut contraint de suivre ce dernier, durant de nombreux mois, au cours de « tournées de maintien de l'ordre » ou de « tournées de police » , a décrit 7 la terreur et la misère des habitants, ou plutôt des rares survivants : « Chaque pas que je faisais m'indiquait une ruine : vestiges de tata 8, de vieux morceaux de pilons, quelques crânes blanchis au soleil, voilà ce qui restait « (…) » Peut-être un centième de la population de ces pays a-t-elle survécu à la conquête, au massacre, à la terrible famine de 1858 » (Cette année-là, la guerre de jihâd avait empêché de cultiver quoi que ce fût, et les armées du Mujâhid avaient pillé les réserves). « Chaque fois que nous campions, les gens des villages environnants venaient m'apporter un tribut, sur le sens duquel je ne pouvais pas m'abuser. Ce n'était pas un cadeau volontaire, mais un de ces impôts arbitraires que lèvent les gens d'Al-hâjj partout où ils passent » … Après une deuxième révolte de Sansandin, Ahmadou, qui avait échoué dans sa répression, se livra à des actions de terreur contre les Bambara. Partout où il s'arrêtait, il y avait un « champ des exécutions » , lieu de plein air où l'on égorgeait ou décapitait les victimes, qui étaient ensuite abandonnées sur place, aux charognards, aux chiens et aux hyènes, seuls à pouvoir se repaître sur cette terre de désespoir. Mage vit ainsi, à cent mètres des habitations, un champ où il dénombra plus de quatre cents crânes et cinquante squelettes encore entiers : « on tuait de deux à trente cinq captifs par jour » …

… « au milieu du cercle [de la foule entourant quatre vingt dix sept Bambara], s'était placé le bourreau, qui avait commencé à abattre les têtes, au hasard, sans ordre, comme elles passaient à portée de son bras. Quelques unes n'étaient même pas détachées du tronc, et, chose curieuse, elles avaient presque toutes le sourire aux lèvres »

L'auteur s'est demandé si ces innocents n'avaient pas eu une dernière vision de réconfort …

« Ces malheureux tendaient eux-mêmes leur cou » . On brûlait toutes les charpentes des villages, et l'on cassait tous les ustensiles. Aussi la révolte se fait-elle de plus en plus ouverte et violente : « A Tafarcirga, pendant qu'ils étaient campés (les deux courriers de Mage), le soir, les « Talibés » (qui les accompagnaient), s'étant mis à chanter la louange d'Al-hâjj Omar, en guise de prière, les gens des villages leur imposèrent silence ».

Néanmoins, les Bambara n'étant pas capables d'organiser une véritable résistance, le prince Ahmadou, fils d'Al-hâjj Omar, remporta encore un succès, à Togo, le 31 Janvier 1865. Il ordonna un grand massacre de prisonniers : plus de deux mille cinq cents d'entre eux furent égorgés, avec des raffinements d'une barbarie assez extraordinaire, comme de dépecer les gens vivants, membre par membre. Mais Ahmadou rentra aussitôt à Ségou, au lieu de marcher sur Sansandin, avec un butin comprenant 3.500 enfants et femmes. Voulant ensuite razzier la région de Koulikoro, le 7 avril 1865, il put encore remporter, péniblement, une demi-victoire à Dîna. Le pillage de Koulikoro termina cette expédition (10 Avril 1865), avec l'incendie de la ville et de toutes les récoltes aux alentours. Ahmadou s'en revint une fois de plus à Ségou.
Le 4 juillet 1865, il attaqua Sansandin. Sur un nouvel échec, il retourna encore à Ségou, où il arriva seulement le 23 septembre, avec son armée en complète déroute. La mort d'Al-hâjj Omar avait longtemps été cachée. Mais la nouvelle avait fini cependant par se répandre, et Ahmadou avait dû se proclamer le successeur du khalife, en tant que sultan du Soudan. Alors ses frères, Habibou 9 (Habîb) et Moctar (Al-Mukhtâr), qui exerçaient l'autorité à Dinguiraye et à Kounyakari, ainsi que son cousin Al-Tidjânî (le venguer du cheikh Omar, maintenant maître du Macina et même de Tombouctou), et enfin l'affranchi Mugafâ (qui exerçait l'autorité à Nioro), ne l'entendirent pas de cette façon, et voulurent se rendre indépendants.
Ce n'est qu'en 1870 qu'Ahmadou put aller à Nioro imposer son contrôle à Mugafâ. En 1872, il s'empara enfin de Habibou et de Moctar, les mit aux fers, et les laissa mourrir de faim.
En 1884, détesté à Ségou, Ahmadou y passa le pouvoir à son fils Al-Madanî, comme l'avait fait Al-hâjj Omar avec lui-même, et il s'en fut, cette fois, attaquer Nioro, qu'il arracha à son frère Mountaga, qui y était installé depuis 1873, et qui se fit sauter avec sa famille plutôt que de se rendre … comme l'avait fait Al-hâjj Omar à Déguembéré.
Le 6 Avril 1890, le Lieutenant-Colonel Archinard arriva à Ségou. Al-Madani s'enfuit à Mopti. Le Lieutenant-Colonel prit ensuite Nioro (1891), et Ahmadou se retira à Bandiagara, d'où il fut chassé en 1893.
Quant à Al-Tidjânî, maître du Macina après sa victoire de 1864, remportée sur les Peuls et les gens de Tombouctou, il avait installé sa capitale à Bandiagara, mais il fut, lui aussi, en lutte perpétuelle avec les habitants. Son adversaire le plus redoutable fut, jusqu'à sa mort, en 1865, Al-Bakkay, et ensuite Bâ-Lobbo. A la mort d'Al-Tidjânî, son fils Tafsîrou lui succéda durant quelques mois puis il fut remplacé par un de ses frères, Mounirou, qui conserva le pouvoir de 1888 à 1891. En 1891, Mounirou céda le pouvoir à Ahmadou, devenu un fugitif. Archinard survint alors, et mit au pouvoir Habibou, fils d'Al-Hâjj Omar, ancien chef de Dinguiraye, qui s'était rallié aux Français.
Ahmadou « l'Arabe » mourut, par la suite, assez obscurément, en pays Haoussa, où il s'était réfugié après être passé entre Say et Niamey, en 1898. Ses derniers partisans s'exilèrent au Hidjaz, où ils se rendirent en passant par le Bornou, le Wadaï et le Darfour, et où leurs descendants existent encore.
Quant à Habibou, il fut déposé et mis à la retraite en décembre 1912 10.

Ainsi finit un empire à bases religieuses, qui n'eut pas le temps d'exister en tant qu'édifice politique et administratif. Ce ne fut qu'une éphémère domination religieuse musulmane, d'inspiration tidjanite, et par conséquent très profondément marquée par ses cadres maraboutiques, les seuls qui purent survivre, ça et là, à la chute de l'édifice, et qui reprirent l'action de prosélytisme habituelle à toutes les confréries religieuses musulmanes à caractère mystique et à vocation sociale. C'est cette action qui maintiendra l'Islam imposé par la force, et en assurera ensuite le développement et la propagation, par les voies pacifiques habituelles du soufisme maraboutique.

Notes
1. 1952.
2. « L'énigme du Macina » , 1952.
3. D'après les déclarations faites par un Haut-fonctionnaire de la Cour Suprême du Mali, en Décembre 1970 (il s'agit d'un arrière-petit-fils d'Al-hâj Omar), il y aurait encore des objets et des documents ayant appartenu au cheikh, à Bandiagara notamment.
4. Cf. vers 1229 et 1230.
5. Grotte où le Prophète Muhammad s'était caché avec Abû Bakr, lors de son émigration (Hijra, hégire) de la Mekke vers Médine. Récit miraculeux.
6. Cf. à ce sujet Delafosse, 1912.
7. Cf. Mage, 1868, pp. 86, 94, 316, 433, 519, 554.
8. Enceinte (ou maison) fortifiée, servant aussi de magasin d'armes et d'approvisionnements. Maison de Chef.
9. On trouve quelquefois ce nom déformé en : Aguibou.
10. Cf. pour ce résumé, notamment, Delafosse, 1912.

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