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Kaidara
Récit Initiatique Peul
Rapporté par Amadou Hampâté Bâ
Edité par Lilyan Kesteloot & Alfâ Ibrâhîm Sow

Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.


       Table des matieres      

Kaydara — Strophes 100-125

Ɓe ɓetti ɗe konnunooa kala ɓiɓɓe Aada b. 100
Ɓe peƴƴoyc togge cukke ɗe cuumtoyaaka.
Ɓe saami e feeyo yoorngo waɗoyngo koɗɗoy;
engo nii daɗɗoyii faa kaaddi yitere.
Walaa keccol; e ley ngoo huunde yiyataa
so naad tawe naange tan ana womna ɓiɗɗo. 105
Ndiyam ko ɓe njooɓinoo kala hanti timmi.
Ɓe ɗomɗii ɗomka annii ŋaasa konondolf.
Doonyorgal ɓe sooynii na yaara heese
e dow balangolg na fonndi e maɓɓe warde h,
na ƴeewira tatte fuu gite baylitiiɗe 110
tawee waylaali fey fey hoore maggali,
waylita noone muuɗum wonta noone
ko fiiltii kuɗɗe winnde no muuyi nannda.
Hammadi ƴeewi ndeen yaadiiɓe noddij,
mo wii : « Ee mon! onon ɓee ɓiɓɓe yaayam. 115
ngaree! daabaawa ceekunga aadi ƴeeweek!
ɓodoowa, jaƴoowa hakkunde yaal e warta!
nga waylita noone, noon gite talla ndaaraam
kala tatteeji hoore nga sottinaalin. »
Doonyorgal wii: 120
« Ɓinngel Aada laawol maaɗa jokku.
So tawo taykaade nii woni sommu lobbo,
anndude deƴƴa ɗum haɗa halkoyeede.
Min mi arannde ndaamaa maale leyɗe
yaamana-juuju, Kaydara sirru kamp jeyq, 125
goɗɗudo sanne kaa ɓalliido Kaydar.

Notes
a. Le radical verbal est hoɗ (concept d'habiter).
b. ɓiɓɓe Aadama.
c. peyyoyi.
d. so wonaa, so wanaa devient so naa, forme très usuelle.
e. tawa; tawi est également possible compte tenu du contexte.
f. konodol ou konndodol se rencontrent également dans ce dialecte.
g. balapol également; comparer avec ballaŋal (Fuuta-Jalon).
h. L'ordre normal est : na fonndi warde e maɓɓe.
i. La forme correcte est muuɗum.
j. Hammadi ƴeewi ndeen, noddi yaadiɓe (muuɗum); ou ndeen Hammadi ƴeewi
k. ƴeewee daabaawa ceekunga aadi.
l. yaha.
m. talla gite ndaara.
n. nga sottinaali hoore. La syntaxe normale ne sera désormais rétablie que dans les seuls cas où il y aura risque de confusion.
o. tawu.
p. kanyum devient kam ou kan dans la poésie et dans certaines séquences du langage ordinaire.
q. jeyi.

Ils traversèrent les lieux qu'habitaient les fils d'Adam 1
Ils traversèrent d'épaisses forêts vierges.
Ils débouchèrent sur une plaine sèche aride ;
et cette plaine s'étendait à perte de vue.
Nulle verdure ; dans cette plaine on ne voyait rien
hormis le soleil solitaire amusant son enfant 2.
Leur provision d'eau tout entière s'épuisa.
Ils avaient soif et certes la soif leur écorchait le gosier.
Ils aperçurent un caméléon qui marchait lentement
sur la route et qui vers eux avançait,
regardant de tous côtés en roulant les yeux
sans se retourner, sans tourner la tête,
changeant de couleur, revêtant les teintes des choses
et s'harmonisant aux objets de son choix.
Hammadi le contempla, appela ses compagnons
et dit : « O vous ! oui vous fils de ma propre mère 3,
venez ! venez voir l'animal fantastique !
il se déplace hésitant entre l'avance, le recul !
il change de couleur, roule des yeux et regarde
de tous côtés sans remuer la tête. »
Le caméléon dit :
« Fils d'Adam, ta route poursuis-la.
Si observer est une bonne qualité,
savoir et puis se taire préserve de calamité.
Moi, je suis le premier symbole du pays
des génies-nains et mon secret appartient à Kaydara 4,
le lointain, le bien proche Kaydara.

Notes
1. A dessein d'égarer l'auditeur et d'attirer l'attention de l'initié. En fait, on est au pays des « cachés »; il n'y a plus d'hommes en ce lieu qui se trouve sous la terre; le correspondant pullo de Adam est Kiikala, le très ancien, le premier homme.
2. Expression pular/fulfulde pour évoquer le papillottement de la lumière de midi.
3. Les initiés sont progressivement liés de plus en plus étroitement ; inconnus au départ, l'aventure commune en fait quasi des frères utérins et supprime les différences sociales.
4. C'est la première fois, depuis le début de l'aventure, que les voyageurs entendent et apprennent le nom de celui qui les attire, le dieu de l'or et du savoir ; cela peut surprendre si l'on s'en tient à la logique apparente du récit : ces trois hommes sortent un beau jour de leur maison, se rencontrent à un carrefour, et se laissent entraîner dans le plus invraisemblable des voyages souterrains, sur la seule suggestion, d'une voix invisible ; pourquoi, dans quel but, vers qui, vers où ? Mais l'auditeur qui écoute le récit, sait très bien qui est Kaydara et dans quel but on s'initie à ses mystères ; n'oublions pas qu'il y a une version résumée de ce conte qui peut être dite devant n'importe quel public.