Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.
mo wellita ɓe weeɗa ruggoyanoyooɓe. 910
Taton yiɗiraaɓe kaaldi tefi feere.
Gotte jabiyaajo ɗokko gere nyaamo
noon mo ƴuugaaɗo duu mo ƴoogaaɗo
yalti nder saare heddii na doga
no koppi mum moofi mbaawri fuu na ŋasa. 915
Mo wiyani ɗanniiɓe : « laamɗo wii njehon
kanko woni laamɗo ndiia mo joomi am,
daakoyon ɗowdi bantineeje tati tutii.
Laamɗo sankiima jawdi moon e wonkiili moon kala. »
Taton ɗanniibe ruubiri maayde gordugal wooɗanaa be fay ɗoo, 920
pooɗii faa e todɗaaɗe telloyii
taykoyii bantineeje cate ɓutte,
ɗowdi sukkiima carfe fey ngalaa.
Teemeɗɗe tati sogone ɗum ɗe ngoɗɗorii
ngenndi ndii ndi naannataa goɗɗo. 925
Ujunaaji pooli na cannyi cuuɗi muuɗum ley cate.
Ujunaaji koowondere na miira mirmirta dow leydi.
Pooɓal bantineewal ɗaɗi na ƴooltii,
ana ngaɗi kooli kokowol nii na toowi
faa ana mbaawi suuɗɗe tomotte wiirna 930
a yiyataa ɗum e ley leppaango wooto.
Hamtuudo e waayiraaɓe ndenti tellii,
ɓe deeƴi e feeyo mawngo kenuuli ndaakii.
Hammadi kaa woni e taykaade leɗɗe
ɗee tati hettinaaɗe ko pooli cirki 935
hono omo nana mo faama ko colli maaki.
Ɓaawo wiɗaaɗe makko nii mo sooynii
ko wa'i hono neɗɗo leggal kaa na deemtii
dillintaako fay ɗoo nanndo tooru
waɗaandu fa yimɓe ngara ngaɗa ɗoon yelaaji. 940
Hammadi ɓattitiib faa heptinoyc ɗum
Notes
a. leydi est sous-entendu.
b. La forme initiale est ɓadititii où le premier morphème -it- marque l'intensification du concept baɗ- (qui exprime la proximité) tandis que le second morphème -it- est indicateur de la fonction réflexive. Ainsi ɓad(i)t(i)tii signifie se rapprocher ; et a donné ɓadtitii qui lui-même est devenu ɓattitii.
c. La forme complète est heɓtinoyi
et les exposerait à la merci des brigands.
Les trois amis discutèrent sur le parti à prendre.
Un nain albinos, borgne de l'œil droit,
bossu par devant et bossu par derrière,
sortit du village et se mit à courir
autant que le permettaient ses genoux cagneux.
Il dit aux voyageurs : « Le roi de ce pays,
mon maître, vous fait dire d'aller camper
à l'ombre des trois fromagers géants.
Le roi répond de vos biens et de vos existences ».
Les trois voyageurs, la mort dans l'âme, acceptèrent l'offre,
se traînèrent jusqu'aux lieux indiqués et s'y installèrent.
Ils y trouvèrent les fromagers aux branches vigoureuses.
Leur ombre était si drue que nul rayon ne la perçait.
Trois cents coudées les séparaient de cette ville
où nul étranger ne pouvait pénétrer.
Mille oiseaux 1 avaient tissé leurs nids dans les branches.
Mille insectes 1 s'affairaient et grouillaient sur le sol.
Du tronc des fromagers saillaient des nervures.
Une sorte de haute muraille avait surgi
qui pouvait masquer un homme et le recouvrir
si bien qu'il fût indiscernable au premier coup d'œil.
Hamtuudo et ses amis se regroupèrent et s'installèrent
en paix sur cette plaine immense où les vents s'acharnaient.
Hammadi, quant à lui, se mit à observer les trois arbres
en écoutant le pépiement des oiseaux
comme s'il entendait et comprenait leur langage.
Après un examen attentif, il aperçut
une forme humaine 2, haut perchée sur l'arbre
et immobile comme une statuette en bois,
placée là pour qu'on vînt y formuler ses vœux.
Hammadi se rapprocha jusqu'à ce qu'il eût perçu
Notes
1. Mille oiseaux et mille insectes, afin de repousser les voyageurs, de les décourager de s'installer sous l'arbre.
2. L'homme caché au creux de l'arbre est un petit vieux monstrueux de laideur et de malpropreté, plus horrible encore que le nain-albinos qui a conduit jusqu'à lui les voyageurs en peine; en Afrique, toute difformité est signe de mystère soit maléfique, soit bénéfique; cependant, comme la difformité, l'anomalie est toujours assez repoussante; c'est un lieu de prédilection pour y cacher les choses très précieuses qui exigent un effort pour être gagnées. Cela explique le respect mêlé de crainte que la société africaine témoigne au fou ou à l'atrophié, surtout aux aveugles censés voir l'autre face des choses.