Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.
Hammadi taykitii no mo soccondirta
ɗee ɗiɗi juuɗe makko na lutti aadi.
Mo gaati nde tati mo barkini Laamɗo Kammu
gaɗoyɗo mo haari Hammadi duu mo yetti 1690
gariibu nde hewtunoo dow daago muuɗum,
Mo ajjii mo jonŋinii pantal mo fii ɗum
Mo seŋondiri juuɗe makko mo wawloyii ɗum
heddii mo ƴeewa kammu mo ŋorma heese.
Oon tuma jamma moɗoyii duule kantii, 1695
laral asamaanu ngal way hono bulaangal.
Dental koode kala anniima laayta
hono fa de njayna batu Hammadi e koɗo mum.
Caggal deƴƴoyii faa huunde juutii,
gariibu wowli wii: «Yonkay na waawi mi wiyoyan 1700
min oo cili ɗiɗi Hamma nyaamdii junngo e junngo
taweede wo kanko oo kaananke mawɗo.
Mi muuyli jooni kay waynaade hoota
to paa-mi na woɗɗi sabu suudam na hikitii. »
Hammadi jaabii: 1705
— « Ee maa mawɗo moƴƴo mi faala gerden
sabu dee nde njawtataa damal am ko kaal-ɗaa
no cooɗori-ɗaa yo ɗum fuu tabitinoy kam
a wanaa aahiijo looɗoa mi tannyorii ɗum.
Mo ngaɗ-ɗaa hoore maaɗa a woɗɗoyii oon. 1710
Ngaalla ni tordi-maa-mi abba guuro
aan kalhaldi teddundi duuɓi keewɗi
teddiniraandi sabu gite mum ko toƴƴii
ko wuuri so laatoyil kalhaldi ɓooyndi,
Notes
a. lo'uɗo.
et Hammadi constata qu'il les frottait
l'une contre l'autre de façon inhabituelle 1.
Il rota 2 trois fois, loua le Maître des Cieux
de l'avoir rassasié et remercia Hammadi.
Lorsque le mendiant rejoignit sa natte,
il se coucha sur le dos, mit ses pieds en équerre
et croisa ses bras qu'il plaça sous la nuque 3.
Il resta ainsi à contempler le ciel et chuchota doucement.
La nuit avait alors avalé les nuages blancs
et la voûte du firmament devenait d'un bleu limpide.
Ensemble et une à une, les étoiles scintillaient
comme pour éclairer l'entrevue de Hammadi et de son hôte
Après un long silence, le mendiant intervint
et dit : « Maintenant je pourrai dire
que par deux fois avec Hamma, dans le même plat
j'ai mangé, bien qu'il soit grand monarque 4.
Eh bien, je voudrais donc prendre congé et rentrer ;
ma route sera longue, ma maison se situe au loin. »
Hammadi répliqua :
« Vieil homme vénérable, je voudrais que nous causions.
En effet ce que tu as dit en traversant ma porte
et aussi la manière de te laver les mains m'ont convaincu
que tu n'es point un faible mendiant ; de cela je suis sûr.
Tu es bien loin d'être celui que tu parais.
Par Dieu je t'en supplie, ô père plein de vie,
toi le taureau de poids 5 tout chargé d'années
et surchargé par tout ce que ses yeux ont scruté
dans sa vie avant qu'il fût grand taureau ancien,
Notes
1. Le vieux frotte ses mains de façon inhabituelle, c'est-à-dire dos contre dos.
2. Roter est un signe de politesse; aussi longtemps que le convive n'a pas roté, on lui apporte encore à manger.
3. C'est la position du maître quand il est fatigué; c'est un peu impoli en public, mais peut être considéré comme une marque d'intimité; devant le roi, cela ne s'explique que si le mendiant est complètement impudent ou bien si c'est un « maître » et dès lors supérieur au roi. Pour ce dernier, ce sera un des signes qui lui feront « reconnaître » le soi-disant mendiant.
4. Partager le repas du roi, vantardise coutumière; en Islam, on dit aussi : « Celui qui mange avec Mahomet ira au Paradis » et Mahomet répond : « Celui qui a mangé avec celui qui a mangé avec moi, a mangé avec moi ».
5. Exprime l'intensité de la maturité et de la force, par opposition à son apparence fragile et dérisoire. Hammadi prouve qu'il sait voir audelà des masques et qu'il n'est pas ignorant au point de ne savoir reconnaître sous n'importe quel déguisement « un homme qui sait ».