Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.
mo wii « Yonoyaa ko ɓolɗino-ɗaa ma kokkaa 1735
feccere laamu maa maa macca ngontaa
fa kumtaa ɓoggi paɗe am ɗee mi jiine.
Mi ɗannike juuti heewii noon ko njii-mi.
Mi batidii e jom dananndii heewi ɗuuɗi.
Mi mawna mi weltiroyto woliide maaɗa. 1740
So won fuu ko mbaaw-mi weltoto faaboyaade;
welii kam sanne koɗu maa e needi maaɗa. »
Hammadi weltorii ɗum sanne faa wii :
— « Mi joondori nyannde gom ma mi yiitu laawol
Geno ɗowa goɗɗo gom wara laayta fooyre 1745
nde pooɗontoo-mia tampu-mi sanne tewde
tawee jikkam bonaali mi ŋooɗoyaali. »
Hammadi jantanii kiikala gariibu
ɗanngal seeka aadi namrungalb mo
fa mo yiiɗoy e Kaydara kaawnoyiiɗo. 1750
Gariibu nayeejo wiyani Hammadi:
— « Banndam anndu kala fuu maande ana waɗi
maanaa gooto ɗiɗi maa duu yo keewɗe.
Nyalooma e jamma maanaa mum na woodi.
Ɗii ɗi nyalooma kam fuu moƴƴi firata. 1755
Ɗii duu jamma jeyɗum baasi tinndi.
Doonyorgal arannde e maale njii-ɗon
to yaamana-juuju kaadime'en ɓe Kaydar,
pour dire : « Point n'est besoin de te ruiner, encore moins
de donner la moitié de ton pouvoir ni de devenir esclave
pour délier les lanières des sandales que voici.
J'ai longtemps voyagé et puis j'ai beaucoup vu
et j'ai tenu conseil avec bien des têtes chenues.
Je suis ton aîné et t'entendrai avec plaisir.
Si je peux faire quelque chose, ce sera avec joie.
J'ai bien aimé ton hospitalité et ta bonne éducation. »
Hammadi en fut très heureux et dit :
« J'espérais bien qu'un jour je découvrirais la voie,
que Geno guiderait un homme pour me donner cette lueur
à laquelle j'aspire et pour laquelle j'ai tant peiné,
sans désespérer jamais et sans jamais me lasser ».
Hammadi raconta au vieux mendiant
le voyage extraordinaire qui le conduisit
jusqu'auprès de Kaydara, le merveilleux Kaydara.
Le vieux mendiant déclara à Hammadi :
« Mon frère, apprends que chaque symbole recèle
un sens, deux sens ou même plusieurs.
Diurnes ou nocturnes peuvent être ces sens.
Les diurnes sont fastes.
Les nocturnes sont néfastes.
Le caméléon que vous vîtes, premier 1 signe
chez les génies-nains qui servent au pays
Notes
1. C'est peut-être le moment de dire un mot sur les nombres dont on aura remarqué l'abondance dans ce récit; dans la société fulɓe, on éprouve pour les nombres un penchant marqué, mais il ne faut pas en user mal à propos. Ainsi, jamais on ne dira le nombre de ses enfants, de ses femmes, de ses bœufs, pas plus que son âge si on le sait. Par contre, on compte très volontiers les choses qui ne vous touchent pas directement. Ce sont alors des leçons, des thèmes, des symboles à interpréter. Pourquoi ? Ceci relève de l'animisme : les nombres, comme les noms, quand on les énonce, « déplacent des forces qui établissent un courant à la manière d'un ruisseau, invisible mais présent ». L'énoncé d'un nombre ou d'un nom vous concernant de près donne prise sur vous; la preuve ? « Si tu entends un inconnu qui prononce ton nom en appelant quelqu'un d'autre, un homonyme, pourquoi es-tu inquiet ? Quelle partie de ton corps a-t-il touchée? C'est cela le courant ». La parole a toujours eu une influence sur les hommes. Mais, si l'efficacité du verbe est grande, celle du nombre la dépasse car s'il y a le signe et que la parole en est l'explication, le nombre étant le produit du son et du signe, en donne la racine secrète et est donc à la fois plus fort et plus mystérieux (cf. Introduction).
Il n'est pas question ici de se lancer dans les détails de cette éthique du nombre, mais on peut en donner quelques éléments de base quasi usuelle, nécessaire pour comprendre les constantes allusions qu'on y fait dans ce récit. C'est pourquoi nous essayons d'expliquer sommairement les nombres signifiants lorsqu'ils se présentent.