Cahiers de l'Homme. École Pratique des Hautes Études, VIe section. Mouton et Cie. Paris, 1961, 95 pages.
« Salut à Kumen, salut à celui qui accompagne Kumen, s'il sait se plier à la discipline. »
[1] Les cheveux et la barbe grise de Kumen symbolisent sa sagesse virile, son expérience. Le nombril est le point central, sacré, il ne faut pas le violer. Jamais une jeune fille ne laisse voir son nombril. D'un être sans réserve ni pudeur morale, on dit : « J'ai tout vu de lui, y compris son nombril », mi yi'ii fuu makko, fay wuddu. Il ne faut pas voir le nombril de Kumen, c'est-à-dire le fond de son enseignement, car on doit accéder à la connaissance progressivement.
[2] L'incantation comporte les points cardinaux et les couleurs associés aux quatre tribus Fulɓe.
[3] Le ngelooki est médicinal. Sa feuille, desséchée, est brûlée sous le ventre des animaux lorsqu'ils sont parqués : c'est un encens et une protection. S'il pleut, on place une petite branche de ngelooki derrière soit oreille lorsqu'on est dehors, dans la maison si l'on est chez soi, comme protection contre la foudre. Le dooki et le ngelooki sont deux végétaux susceptibles de lutter contre la mort et parfois de triompher d'elle. Une légende relate la révélation aux hommes de ce pouvoir : Un tout petit enfant Pullo lut momentanément déposé sous un arbre par sa mère qui le croyait malade et qui cherchait aux alentours des plantes pour le soigner, accompagnée d'une vieille lemme. L'enfant resté seul, parla en disant : « Voici les remèdes contre la mort, le dooki et le ngelooki. » Avant qu'il ait fini, la lemme âgée l'entendit et l'interrompit : « Voici un tout petit enfant qui parle, c'est la fin du monde », et le bébé s'est tu. On n'a ainsi connu que les deux premières plantes, élixir de vie, et la recette est incomplète.
Les « feuilles digitées » de certains végétaux captent les forces suivant le nombre de leurs nervures : les paroles sont transportées par la « main » qui les dirige sur le malade respectueux des correspondances établies entre les différents éléments de l'univers. Chaque homme est associé à une plante et chacune d'elles a un jour ou a un moment de l'année. La date, la lunaison interviennent.
[1] Kumen : « Écoutez ma voix de maître : je suis dominateur. Regardez mon front, il est noble et sage. Des cheveux gris ornent ma tête, ils encadrent mes tempes, et ornent mon menton. Regardez la partie supérieure de mon corps. Ne portez pas vos regards sur le creux de mon nombril. Vous seriez renversés, vos femelles rendues stériles et votre cheptel ruiné.
Sile vient apprendre comment il faut dire aux esprits malins « Sortez des corps dont vous vous êtes malicieusement emparés. »
[2] « L'Est brille de lumière ; l'Ouest se tord dans le sang ; le Sud est voilé par la forêt noire ; et le Nord se peuple de terres, de beaux pâturages et d'hommes blancs.
Ouvrez pour Sile, ne lui résistez pas. Il va vers Foroforondu qui prononce des sentences irrévocables, subjugue les sorciers et dompte les malins. »
Les esprits : « Sile connaît-il les quatre tribus Fulɓe si difficiles à définir ? Mais lesquelles tout entières consentent au même titre, à se rouler dans la poussière et dans la cendre pour posséder, nourrir et protéger le bovidé, animal de Iloo Yaladi Jaaje ? »
Kumen : « Sile est Pullo. Il ne gémit que pour les bœufs. Il surmontera mille épreuves pour acquérir le Bovidé.
[3] S'il écorce le baobab sacré, c'est pour confectionner la corde aux vingt-huit nœuds magiques, protectrice du parc. S'il arrache les feuilles du ngelooki c'est pour baigner les bêtes dans ses forces vertueuses par fumigation. Il saura pointer, à l'endroit où siège le mal dans l'être, la feuille digitée qu'il chargera des paroles appropriées. Il triomphera des maladies bovines. »
Les esprits: « Kumen ! va en paix, fais-toi suivre de Sile qui reviendra instruit. »
Kumen : « Sile sera pareil à cette plante synthèse qui, autour d'une tige unique, assemble feuille, rameaux et fleurs. »
Les esprits : « Sile ! oint de beurre et gavé de lait, Sile, passe »