Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre I
son attention buvait la parole du garçonnet. Quelle pureté et quel miracle ! Cet enfant, véritablement, était un don de Dieu. Depuis quarante ans qu'il s'était voué à la tâche, combien méritoire, d'ouvrir à Dieu l'intelligence des fils de l'homme, le maître n'en avait jamais rencontré qui, autant que ce garçon et par toutes ses dispositions, attendît Dieu d'une telle âme. Tant qu'il vivra avec Dieu, cet enfant, ainsi que l'homme qu'il deviendra, pourra prétendre — le maître en était convaincu — aux niveaux les plus élevés de la grandeur humaine. Mais, inversement, la moindre éclipse … Mais à Dieu ne plaise, le maître chassait cette éventualité de toute la force de sa foi. Toujours en considérant l'enfant, il fit une courte prière, mentalement : « Seigneur, n'abandonne jamais l'homme qui s'éveille en cet enfant, que la plus petite mesure de ton empire ne le quitte pas, la plus petite partie du temps … »
« Seigneur, songeait l'enfant en psalmodiant son verset, Ta parole doit être prononcée telle que Tu l'as parlée … »
La bûche ardente lui roussit la peau. Sous la brûlure, il bondit, secoua spasmodiquement la chemise légère qu'il portait et se rassit, jambes croisées, yeux baissés sur sa tablette, à quelques pas du maître. Reprenant le verset, il rectifia le lapsus.
— Ici, approche ! Tant que de vaines pen-