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Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/

Paris, Julliard, 1961. 209 pages


Chapitre II


— Bon, bon, poursuivit Demba. C'est entendu, grand chef, tu seras obéi. Samba Diallo tressaillit. Demba lui cherchait querelle : il ne pouvait plus en douter. Tous les disciples savaient combien il lui déplaisait que soit fait cas de son origine patricienne.
Assurément, il était le mieux né de tout le foyer du maître des Diallobé. Nul, dans ce pays, ne le lui laissait ignorer. Lorsqu'il mendiait sa nourriture et, comme ce matin, passait dans toutes les demeures, des plus humbles aux plus cossues, chacun, en lui apportant les restes pourris des repas, lui manifestait par un signe ou par un geste que sous ses haillons le pays reconnaissait et saluait déjà un de ses guides futurs. La noblesse de son origine lui pesait, non point comme un fardeau dont il eût peur, mais à la manière d'un diadème trop encombrant et trop visible. A la manière d'une injustice aussi. Il désirait la noblesse, certes, mais une noblesse plus discrète, plus authentique, non point acquise mais conquise durement et qui fût plus spirituelle que temporelle. Il s'était humilié et mortifié, par manière d'exercice et aussi pour manifester hautement qu'il revendiquait d'être aligné au niveau de tous ses condisciples. Mais rien n'y avait fait. Il semblait au contraire que ses camarades lui en voulussent de ce que, par-devers eux, ils n'étaient pas loin de considérer comme le