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Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/

Paris, Julliard, 1961. 209 pages


Chapitre II


que j'y observai anéantirent, dans mon esprit, les vaines paroles de protestation que j'allais prononcer. Je me félicite de les avoir tues, tellement, aujourd'hui encore, je sens en moi leur ridicule, devant cet homme qui dominait sa mort de toute sa stature… J'obéis donc et lui donnai les indications du Livre. Il tailla son linceul de sa propre main. Ayant fini, il me pria de l'accompagner en un lieu retiré de sa demeure, et là, en sa présence, me demanda d'indiquer à son esclave MBare les gestes et le détail de la toilette funéraire.
Nous revînmes dans sa chambre alors et causâmes longuement, comme si la souffrance n'eût pas visiblement martyrisé son corps. Quand je me levai pour partir, il me demanda de bien vouloir l'assister quand viendrait l'heure.
« Deux jours après, on vint me quérir de sa part. Je trouvai une famille silencieuse et consternée, une maison remplie de monde. Votre père était dans sa chambre, étendu sur une natte à terre et entouré de beaucoup de personnes. Ce fut la seule fois qu'il ne se leva pas à mon entrée. Il me sourit et, après m'avoir salué, me demanda de réunir tous ceux qu'il avait fait convoquer dans sa maison.
« Je les supplie de me dire, avant que je meure, ce que je pourrais leur devoir et que j'aurais oublié de rendre. S'il en est qui conservent le souvenir d'une injustice de moi,