Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre III
final. Le maître se figea et, par la pensée, avec le chef, répéta, peut-être pour la millionième fois de sa vie, la grande profession de foi :
« Je témoigne qu'il n'y a de divinité que Dieu, et je témoigne que Mohammed est son envoyé … »
Le chef finissait de prier en effet. Il se tourna vers le maître et, des deux mains, le salua longuement.
— Je me serais fait un plaisir et un devoir de venir jusqu'à vous, si vous ne me l'aviez expressément défendu, un jour. Vous disiez, il me souvient : « La stabilité vous est à la fois un privilège et un devoir, à vous, princes de ce monde. »
— En effet, vous êtes le repère et vous êtes le recours. Eprouvez ! cela un peu, chef du Diallobé. Un homme seul a-t-il le droit d'accaparer ce qui est à tous ? Je réponds non.
Si le repère bouge, où vont les hommes ?
— Ils ne savent pas.
— Ainsi du recours, dont la présence les rassure.
Les deux hommes, que la ressemblance de leur nature rapprochait sur l'essentiel, éprouvèrent une fois encore la solidité de l'admiration réciproque qu'ils se vouaient.
— Maître, suis-je un repère suffisamment fixe, un recours suffisamment stable ?
— Vous l'êtes.