Cheikh Hamidou Kane/L'Aventure ambiguë/
Paris, Julliard, 1961. 209 pages
Chapitre III
dans les gestes de la prière. Il y avait aussi d'autres aspects du poids qui, de même que le Malin, revêt divers visages : la distraction des disciples, les féeries brillantes de leur jeune fantaisie, autant d'hypostases du poids, acharnées à les fixer à terre, à les maintenir loin de la vérité.
— Dites-leur qu'ils sont des courges.
Le maître réprima un sourire. Généralement, l'espièglerie de sa pensée l'amusait. Le chef cependant attendait, sachant par habitude quel fonds il faut faire aux sautes du vénérable. !
— La courge est une nature drôle, dit enfin le maître. Jeune, elle n'a de vocation que celle de lfaire du poids, de désir que celui de se coller amoureusement à la terre. Elle trouve sa parfaite réalisation dans le poids. Puis, un jour, tout change. La courge veut s'envoler. Elle se résorbe et s'évide tant qu'elle peut. Son bonheur est fonction de sa vacuité, de la sonorité de sa réponse lorsqu'un souffle l'émeut. La courge a raison dans les deux cas.
— Maître, où en sont les courges du Diallobé ?
— C'est au jardinier de répondre, pas à moi.
Le chef demeura silencieux un moment.
— Si je leur dis d'aller à l'école nouvelle, ils iront en masse. Ils y apprendront toutes